La contribution de solidarité d’un employé membre d’un syndicat non signataire d’une CCT

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ATF 141 III 418TF, 28.09.2015, 4A_24/2015* 

Faits

La Poste Suisse conclut une CCT avec deux syndicats. Poste Immobilier SA, une société affiliée à la Poste Suisse, conclut avec les deux syndicats une convention portant sur l’affiliation à la CCT. La convention s’impose aux collaborateurs liés par un contrat de travail à une société du groupe qui a adhéré à la convention et prévoit une contribution de solidarité.

Poste Immobilier SA engage un concierge par contrat individuel de travail dont la CCT fait partie intégrante. Quelques années après, le concierge devient membre d’un troisième syndicat tiers non signataire à la CCT. Cependant, l’employeur déduit du salaire mensuel du concierge 220 francs à titre de contribution de solidarité en application de la CCT.

Par la suite, le troisième syndicat non signataire s’est vu refuser son adhésion à la CCT. Dans le but d’obtenir la restitution de la somme de 220 francs payée à titre de contributions de solidarité, le concierge ouvre action contre Poste Immobilier SA. Débouté, le concierge interjette un recours en matière civile, subsidiairement un recours constitutionnel subsidiaire auprès du Tribunal fédéral.

Doit être tranchée la question de savoir si un travailleur, membre d’un syndicat non signataire qui s’est vu refuser l’adhésion à une CCT, peut s’opposer au prélèvement d’une contribution de solidarité en application de cette même CCT sur son salaire en se fondant sur l’art. 356b al. 3 CO.

Droit

La valeur litigieuse de 15’000 francs n’est pas atteinte (art. 74 al. 1 let. a LTF). Le Tribunal fédéral considère toutefois que la contestation soulève une question juridique de principe et déclare le recours recevable (art. 74 al. 2 let. a LTF).

Aux termes de l’art. 356b al. 3 CO, les clauses de la convention et les accords entre les parties qui tendent à contraindre les membres d’associations d’employeurs ou de travailleurs à se soumettre à la convention sont nuls lorsque ces associations ne peuvent devenir des parties à la convention ou conclure une convention analogue.

L’art. 356b al. 3 CO traite de la contrainte de soumission. Par contrainte de soumission, il faut comprendre une disposition qui tend à obliger les employeurs et les travailleurs à se soumettre à une CCT. En l’occurrence, le concierge s’est vu imposer la CCT dans son contrat de travail. En effet, par une clause d’égalité de traitement contenue dans la CCT, Poste Immobilier SA est obligée d’appliquer la convention à ses employés, dont le concierge, et à conclure un contrat de travail intégrant la CCT, dont la clause relative à la contribution de solidarité. Par conséquent, il y a contrainte de soumission du fait que Poste Immobilier SA ne peut occuper que des travailleurs qui acceptent de conclure un contrat de travail intégrant la CCT.

En principe, la contrainte de soumission est licite. En revanche, la contrainte est nulle, lorsque le syndicat d’un travailleur qui s’est vu imposer la CCT ne peut adhérer à la CCT en question. Selon le Tribunal fédéral, tel est le cas lorsque les parties s’opposent à l’admission du syndicat dans la CCT. Pour autant, on retiendra que la clause est nulle que si le syndicat qui a vu sa demande d’intégration refusée bénéficiait d’un droit de participer à la CCT. Le syndicat en question doit ainsi être reconnu comme partenaire social, ce qui est le cas lorsqu’il a la compétence de conclure des CCT à raison du lieu et de la matière, qu’il est suffisamment représentatif et qu’il fait preuve d’un comportement loyal (ATF 140 I 257, c. 5.2 et 5.2.1).

En l’occurrence, le syndicat tiers qui s’est vu refuser son adhésion à la CCT a engagé diverses procédures judiciaires pour se faire reconnaître comme partenaire social. Du fait qu’aucune décision définitive n’a été rendue en cette question, le Tribunal fédéral renvoie l’affaire à l’autorité précédente qui devra préalablement établir si le syndicat avait un droit de participer à la CCT. S’il s’avère que le syndicat tiers devait être reconnu comme partenaire social à l’époque des prélèvements litigieux, et qu’il a donc été refusé à tort, la clause d’intégration constituerait une contrainte par soumission illicite, de sorte que le concierge pourrait récupérer la contribution de solidarité payée en application de la CCT.

Le recours est ainsi partiellement admis et renvoyé à la cour cantonale.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La contribution de solidarité d’un employé membre d’un syndicat non signataire d’une CCT, in : www.lawinside.ch/106/