Le parc éolien de Sainte-Croix

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ATF 147 II 319 |  TF, 18.03.2021, 1C_657/2018, 1C_658/2018*

Une atteinte à l’habitat de l’avifaune est autorisée, pour autant qu’elle soit inévitable et que l’installation, répondant à un intérêt prépondérant, ne puisse être réalisée qu’à l’endroit prévu. Une pesée des intérêts doit être opérée en tenant compte de l’importance des atteintes prévisibles, de l’intérêt public à la réalisation du projet et de l’efficacité des mesures de compensation.

Faits

L’Etat de Vaud et la société Romande Energie Renouvelable SA conduisent le projet de construire un parc éolien à Sainte-Croix. Le projet porte atteinte à l’avifaune en particulier nicheuse, mais également migratrice. Après une longue procédure, le Département de l’intérieur approuve le plan d’affectation cantonal « Eoliennes de Sainte-Croix », la Municipalité de Sainte-Croix délivre le permis de construire pour 6 éoliennes et la Direction générale de l’environnement autorise les défrichements nécessaires.

Birdlife Suisse, Helvetia Nostra et d’autres associations locales saisissent la Cour de droit administratif et public du Tribunal cantonal vaudois (CDAP), lequel admet partiellement le recours mais confirme en substance la construction du parc éolien de Sainte-Croix.

Les associations forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral, qui doit notamment se prononcer sur la conformité du parc éolien au droit de l’environnement, en particulier en matière d’impact sur l’avifaune nicheuse.

Droit

En lien avec la protection de l’avifaune, l’art. 18 al. 1 LPN dispose que la disparation d’espèces animales et végétales indigènes doit être prévenue par le maintien d’un espace vital suffisamment étendu (biotopes), ainsi que par d’autres mesures appropriées. L’art. 18 al. 1ter LPN précise que si, tous intérêts pris en compte, il est impossible d’éviter des atteintes d’ordre technique aux biotopes dignes de protection, l’auteur de l’atteinte doit veiller à prendre des mesures particulières pour en assurer la meilleure protection possible, la reconstitution ou, à défaut, le remplacement adéquat (cf. ég. art. 14, 15 et 20 OPN).

Le Tribunal fédéral précise que sur la base de ces dispositions, une atteinte à l’habitat de l’avifaune est autorisée, pour autant qu’elle soit inévitable et que l’installation, répondant à un intérêt prépondérant, ne puisse être réalisée qu’à l’endroit prévu. Une pesée des intérêts doit être opérée en tenant compte de l’importance des atteintes prévisibles, de l’intérêt public à la réalisation du projet et de l’efficacité des mesures de compensation.

En l’espèce, le projet porte atteinte à différentes espèces d’oiseaux nicheurs en danger au sens de l’art. 14 al. 3 OPN (p.ex. perte d’habitat, etc.). Il y a par conséquent une atteinte à des biotopes dignes de protection au sens de l’art. 18 al 1ter LPN.

Le Tribunal fédéral procède alors à une analyse détaillée des différents rapports établis concernant l’impact du projet sur l’avifaune. Il analyse également les différentes mesures de compensation et de protection qui sont prévues (p.ex. restriction des accès routiers pour tranquilliser le site, amélioration de l’habitat de l’avifaune dans d’autres régions, suivi du projet par un ornithologue, adaptation des périodes de chantier aux cycles de reproduction des oiseaux, etc.).

Le Tribunal fédéral s’intéresse en particulier à la mesure de restriction du trafic motorisé sur la route de l’Aiguillon. Le dérangement occasionné par les éoliennes implique un repli de certains oiseaux dans une forêt à proximité de la route de l’Aiguillon. La tranquillité devrait donc y être garantie. L’interdiction à la circulation devait s’étendre initialement du 15 décembre au 30 mai mais a été ramenée à fin mars en raison de l’opposition de la commune de Baulmes. En se fondant sur l’avis de l’OFEV, le Tribunal fédéral constate que la période avril-mai est celle de la couvaison et d’élevage des poussins, de sorte que l’interdiction de circulation doit s’étendre jusqu’à fin mai. Il s’agit d’une mesure de compensation judicieuse et efficace, prépondérante face à un intérêt touristique. Le trafic pour les besoins de l’exploitation forestière et la préparation des alpages reste néanmoins autorisé. Contrairement à l’avis de la CDAP, le canton était compétent pour imposer des restrictions sur une route communale contre l’avis de la commune concernée (art. 3 al. 2 LCR), notamment lorsque la protection des espèces menacées est en jeu (art. 7 al. 4 LChP). Comme mesure environnementale, le Tribunal fédéral limite donc le trafic motorisé lié aux activités de loisirs durant la période élargie préconisée par l’OFEV, soit jusqu’à fin mai.

Sous réserve de la réglementation de la circulation sur la route de l’Aiguillon, le Tribunal fédéral écarte les griefs des associations recourantes relatifs à la protection de l’avifaune nicheuse, les mesures de protection étant adaptées. Il en va de même pour les mesures de protection concernant l’avifaune migratrice (p.ex. surveillance par radar des flux migratoires, suivi par un ornithologue, etc.). Le projet d’intérêt national (cf. art. 12 al. 1 LENe) répond donc aux exigences du droit fédéral et les atteintes potentielles – perte d’habitat et dérangement des oiseaux protégés – sont compensées.

Le Tribunal fédéral confirme donc la construction du parc éolien de Sainte-Croix, sous réserve de l’extension de l’interdiction du trafic sur la route de l’Aiguillon. Il admet donc très partiellement le recours.

Proposition de citation : Tobias Sievert, Le parc éolien de Sainte-Croix, in : www.lawinside.ch/1072/