Le droit à la notification électronique

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ATF 147 IV 510 | TF, 04.06.20, 1B_240/2020*

L’art. 86 CPP ne consacre pas de droit à la notification électronique des communications des autorités pénales. Les dispositions de l’OCEI-PCPP pouvant laisser penser le contraire ne reposent pas sur une base légale suffisante, dans la mesure où la clause de délégation contenue par l’art. 86 al. 2 CPP porte uniquement sur des aspects d’ordre pratique et technique.

Faits

En mars 2020, un avocat requiert du Tribunal pénal fédéral qu’il adresse l’ensemble de ses communications lui étant destinées par voie électronique. La Cour des affaires pénales rejette cette demande. Selon la Cour, il faudrait attendre de thématiser la problématique, le service informatique étant déjà fortement sollicité pour permettre aux collaborateurs et collaboratrices de travailler à distance en raison de la situation sanitaire causée par la pandémie de Covid-19.

Sur nouvelle correspondance de l’avocat, la Cour confirme dans un courrier recommandé ne pas donner suite à la requête faute de base légale créant une obligation correspondante. La Cour invoque également des considérations d’ordre technique en lien avec le fait que les signatures électroniques authentifiées ne peuvent être délivrées qu’à des personnes physiques, à l’exclusion des institutions, ce qui peut poser des problèmes d’identification de l’expéditeur.

L’avocat recourt contre ce courrier auprès du Tribunal fédéral, lequel se penche sur la question du droit à la notification électronique des communications des autorités pénales.

Droit

L’avocat se plaint d’une violation de l’art. 9 OCEI-PCPP, lequel consacrerait en son al. 3 un droit inconditionnel à la notification électronique des actes du tribunal si une demande a été formulée en ce sens (voir également l’art. 12 OCEI-PCPP).

Selon l’art. 86 al. 1 CPP, les communications peuvent être notifiées par voie électronique avec l’accord de la personne concernée. Conformément à l’art. 86 al. 2 CPP, le Conseil fédéral règle différentes modalités de ces communications, les dispositions d’exécution étant contenues dans l’OCEI-PCPP. L’art. 9 OCEI-PCPP consacre ainsi certaines modalités de la notification par une autorité. En particulier, toute personne qui est régulièrement partie à une procédure devant une autorité déterminée ou qui représente régulièrement des parties devant elle peut demander à cette autorité de lui notifier par voie électronique les communications afférentes à une procédure donnée ou à l’ensemble des procédures (al. 3). L’art. 12 OCEI-PCPP dispose quant à lui que les parties peuvent exiger que l’autorité leur notifie également par voie électronique des ordonnances et décisions qui leur ont été notifiées sous une autre forme.

Le Tribunal fédéral rappelle alors que le champ d’application des ordonnances d’exécution se limite à concrétiser les dispositions législatives qu’elles mettent en œuvre, dont elles précisent le contenu et règlent le détail. Le Tribunal fédéral note également que, selon le texte de la loi, la clause de délégation contenue par l’art. 86 al. 2 CPP porte exclusivement sur des aspects d’ordre pratique et technique. Les dispositions de l’OCEI-PCPP ne peuvent ainsi pas aller au-delà de la concrétisation de la loi ou contenir des règles dépassant le cadre légal. Par conséquent, bien qu’à teneur des art. 9 al. 3 et 12 OCEI-PCPP une interprétation en faveur d’un droit à la notification électronique n’apparaisse pas d’emblée exclue, l’existence d’un tel droit ne saurait être déduite de ces seules dispositions, sans égard au cadre défini par la loi. Enfin, il est clair que l’art. 86 al. 1 CPP est formulé de manière potestative et doit être compris comme une faculté offerte aux autorités pénales (« Kann-Vorschrift »). La doctrine majoritaire confirme cette interprétation littérale en lien avec d’autres dispositions à teneur analogue, introduites, respectivement modifiées conjointement à l’art. 86 al. 1 CPP dans le cadre de la révision totale de la loi sur la signature électronique (art. 34 al. 1bis PA, 139 al. 1 CPC et 60 al. 3 LTF).

Le Tribunal fédéral note encore que l’avant-projet de la loi fédérale sur la plateforme de communication électronique dans le domaine judiciaire (LPCJ) (projet Justitia 4.0), dont la procédure de consultation vient de s’achever, plaide également en faveur de cette interprétation. En effet, ce projet a pour but d’introduire une obligation de communiquer par voie électronique avec les tribunaux civils, pénaux et administratifs, ainsi qu’avec les autorités de poursuite pénale, instaurant ainsi un droit à la notification électronique. La poursuite de ces objectifs de numérisation de la justice serait ainsi superflue si les règles de droit positif à cet égard étaient déjà contraignantes.

Au vu de ce qui précède, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, Le droit à la notification électronique, in : www.lawinside.ch/1078/