La construction en zone de verdure (Grünzone)

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ATF 147 II 351TF, 02.02.2021, 1C_416/2019*

Pour déterminer si une zone de verdure (Grünzone) doit être qualifiée de zone à bâtir ou de zone non à bâtir, l’objectif de l’affectation est déterminant. S’il s’agit d’une zone non à bâtir, l’autorisation de construire sera soumise aux art. 24 ss LAT. Puisqu’il en va alors de l’accomplissement d’une tâche fédérale (art. 2 al. 1 lit. b LPN), les autorités concernées devront tenir compte de l’Inventaire fédéral des sites construits d’importance nationale (ISOS) (art. 6 al. 1 LPN).

Faits

En août 2015, la commission des constructions de la commune de Malans (Grisons) accorde à un viticulteur grison une autorisation de démolir une remise, assortie d’une autorisation de construire un nouveau pressoir et une voie d’accès pour véhicules. La parcelle en question est située en zone de verdure (Grünzone). Le Conseil municipal rejette les diverses oppositions au projet.

Saisi d’un premier recours par les opposants, le Tribunal cantonal renvoie l’affaire à la commune en raison d’irrégularités dans l’évaluation du projet de construction. Après une nouvelle évaluation, la Commission des constructions confirme l’octroi du permis. Le Conseil municipal rejette les nouvelles oppositions, ce que confirme ensuite le Tribunal cantonal. Les opposants exercent alors un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur l’admissibilité du projet de construction en zone de verdure.

Droit

La question litigieuse principale concerne l’admissibilité du projet de construction dans une zone de verdure. Pour trancher cette question, le Tribunal fédéral doit déterminer si une telle zone doit être qualifiée de zone à bâtir ou non à bâtir. La Loi fédérale sur l’aménagement du territoire (LAT) distingue entre les zones à bâtir (art. 15 LAT), les zones agricoles (art. 16 LAT) et les zones à protéger (art. 17 LAT). L’art. 18 LAT permet aux cantons de prévoir d’autres zones d’affectation. Cependant, ils doivent respecter la distinction fondamentale du droit de l’aménagement du territoire entre les zones à bâtir et les zones non à bâtir (principe de séparation). Ainsi, l’art. 15 LAT définit ce qui doit être considéré comme de la zone à bâtir ; en particulier, si l’affectation de la zone permet des constructions qui ne sont ni liées à des utilisations préservant le sol, ni dépendantes d’un emplacement très précis, il existe une zone à bâtir pour laquelle les exigences de l’art. 15 LAT devront être respectées.

Selon l’art. 22 du règlement sur les constructions de la commune de Malans, la zone de verdure sert à protéger le paysage urbain ; seuls les petits bâtiments liés à la culture de la zone peuvent y être construits, à condition qu’ils ne dépassent pas certaines dimensions. Des dérogations sont possibles pour les bâtiments agricoles construits en relation directe avec une exploitation située dans une zone contiguë.

Le Tribunal fédéral rappelle que le facteur décisif pour qualifier une zone de zone à bâtir est de savoir si son objectif principal est de permettre des activités de construction de manière régulière. La dénomination de la zone importe donc peu ; c’est sa finalité qui est déterminante. En l’espèce, l’objectif poursuivi par la zone de verdure est la protection du paysage urbain. Elle n’est donc pas destinée en premier lieu à être construite. Cette interprétation est corroborée par le fait que la commune de Malans est répertoriée à l’ISOS et que la zone de verdure concernée s’est vu attribuer l’objectif de conservation « a », qui vise sa préservation.

Le but de la zone de verdure n’est donc pas de permettre des activités de construction « de manière régulière », ce qui s’oppose à sa qualification de zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT, à l’inverse de ce qu’avaient retenu les autorités précédentes. Quant aux constructions effectivement permises dans la zone de verdure, il s’agit de celles qui présentent un lien avec la culture du sol. Le Tribunal fédéral refuse donc la qualification de cette zone en zone à bâtir au sens de l’art. 15 LAT, tout en laissant indécise la question de savoir s’il s’agit d’une zone agricole (art. 16 LAT), d’une zone à protéger (art. 17 LAT) ou d’une autre zone (art. 18 LAT).

S’agissant d’une demande de permis de construire hors d’une zone à bâtir, une autorisation exceptionnelle au sens des art. 24 ss LAT est nécessaire. L’octroi d’une telle autorisation constitue, selon la jurisprudence constante du Tribunal fédéral, une tâche fédérale au sens de l’art. 2 al. 1 lit. b de la Loi fédérale sur la protection de la nature et du paysage (LPN) (ATF 136 II 214 c. 3). L’inscription à l’ISOS de la commune de Malans doit donc être prise en compte dans la pesée des intérêts à effectuer, ce qui exclut en l’espèce la délivrance d’un permis de construire sur la base de l’art. 24 LAT. L’art. 24c al. 2 LAT n’est d’aucun secours pour le propriétaire, puisque le projet ne peut pas être considéré comme un agrandissement « mesuré » : la remise existante serait en effet remplacée par un bâtiment près de six fois plus grand.

Le Tribunal fédéral admet donc le recours et annule le permis de construire.

Proposition de citation : Camille de Salis, La construction en zone de verdure (Grünzone), in : www.lawinside.ch/1122/