Proposer de retirer un avis Google négatif en cas d’accord amiable, une tentative de contrainte ?

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TF, 11.01.2022, 6B_150/2021

Le maintien en ligne d’un avis Google négatif ne constitue pas un désavantage sérieux apte à entraver la liberté de décision de la personne visée. Celle ou celui qui offre de retirer un tel avis moyennant accord financier ne se rend dès lors pas coupable de tentative de contrainte. 

Faits

Deux avocats, un associé et un collaborateur, représentent une cliente dans une procédure judiciaire. Ils ratent le délai de recours.

La mandante, très mécontente, publie sur Google l’avis suivant concernant l’étude d’avocat-e-s : “Moins cinq étoiles. Comportement très incompétent du chef en particulier. A manqué le délai d’appel et rejette la faute sur le client. Quand il s’est rendu compte de l’erreur, il envoie d’abord la facture. Au final, on se retrouve avec des milliers de francs de frais et d’honoraires… Je vais mettre tout le monde en garde ! ! !” (traduction libre).

Elle indique ensuite à ses avocats être disposée à retirer l’avis Google si un arrangement est trouvé concernant le paiement des honoraires.

L’un des associés fondateurs de l’étude, qui n’a pas été impliqué dans la procédure concernée mais dont le nom figure dans la raison sociale, porte plainte pénale. La cliente est acquittée en première instance, mais condamnée sur appel de l’avocat.

La cliente forme recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit trancher si, en publiant l’avis sur Google puis en proposant de le retirer en cas d’accord amiable quant au paiement des honoraires, la recourante s’est rendue coupable de diffamation et tentative de contrainte.

Droit

La diffamation (art. 173 CP) consiste à accuser une personne ou jeter sur elle le soupçon de tenir une conduite contraire à l’hon­neur ou de tout autre fait propre à porter atteinte à sa considération. L’infraction est intentionnelle.

En l’espèce, la recourante a publié son avis sous la rubrique concernant l’étude d’avocat-e-s. L’avis se rapporte manifestement à la gestion de son dossier, dans laquelle l’avocat qui a déposé plainte n’a pas été impliqué. La mention du « chef » visait l’associé en charge de son affaire. Dans ces circonstances, il est arbitraire de retenir que la recourante aurait eu l’intention de diffamer le plaignant, au simple motif que son nom figure également dans la raison sociale de l’étude. Les éléments constitutifs subjectifs de l’infraction ne sont dès lors pas remplis.

La tentative de contrainte (art. 20 cum art. 181 CP) est notamment réalisée lorsque l’auteur-e menace sa victime d’un dommage sérieux et l’oblige ainsi à faire (ou à s’abstenir de faire) quelque chose. Le préjudice annoncé doit objectivement être assez grave pour porter sensiblement atteinte à la liberté d’action d’une personne raisonnable. Dans le cas d’espèce, la recourante avait déjà publié son avis négatif sur Google lorsqu’elle avait sollicité un accord amiable relatif aux honoraires. Le plaignant n’avait dès lors pas à craindre une péjoration de sa situation s’il n’obtempérait pas. La proposition de la recourante, qui visait à résoudre un différend commercial, n’était ainsi apte à entraver ni l’étude, ni le plaignant dans leur liberté d’action. Partant, c’est également à tort que l’instance précédente a condamné la recourante pour contrainte.

Au regard de ce qui précède, le Tribunal fédéral admet le recours.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, Proposer de retirer un avis Google négatif en cas d’accord amiable, une tentative de contrainte  ?, in : www.lawinside.ch/1164/