L’exigence d’un extrait de casier judiciaire à jour

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ATF 148 IV 356 | TF, 25.08.2022, 6B_536/2022*

La juridiction d’appel est tenue de demander des renseignements sur les antécédents judiciaires du prévenu lorsqu’elle entend le sanctionner (art. 195 al. 2 CPP en lien avec l’art. 161 CPP). Il lui appartient de s’assurer que l’extrait de casier judiciaire soit suffisamment récent et actualisé.

Faits

Par jugement sur appel datant de mars 2022, le Tribunal cantonal valaisan condamne un homme pour infractions à la LCR et à la LStup, actes d’ordre sexuel commis sur une personne incapable de discernement ou de résistance (art. 191 CP) ainsi que contrainte sexuelle (art. 189 CP). Il prononce une peine privative de liberté avec sursis de 24 mois, 150 jours de peine-pécuniaire et une amende de CHF 4’200. En sus, il fixe le délai d’épreuve à 3 ans. Cette juridiction d’appel arrête cette peine en se fondant sur un extrait de casier judiciaire demandé par ses soins en juin 2021, duquel il ressort que le prévenu n’a pas commis d’autre infraction depuis octobre 2017.

Le Ministère public du canton du Valais interjette alors un recours auprès du Tribunal fédéral. Il fait valoir que le Tribunal cantonal aurait dû demander un extrait de casier judiciaire plus récent, ce qui lui aurait permis de constater que le prévenu avait fait l’objet d’une ordonnance pénale en novembre 2021 pour des faits commis en juillet 2021.

Le Tribunal fédéral doit ainsi déterminer si la juridiction d’appel peut, au moment de rendre sa décision, renoncer à demander un extrait de casier judiciaire plus récent.

Droit

Aux termes de l’art. 6 al. 1 CPP, les autorités pénales recherchent d’office tous les faits pertinents pour la qualification de l’acte et le jugement du prévenu. Ainsi, le ministère public et les tribunaux sont tenus de demander des renseignements sur les antécédents judiciaires du prévenu en vertu de l’art. 195 al. 2 CPP. Cette disposition doit se lire en lien avec l’art. 161 CPP, qui commande de n’interroger le prévenu sur sa situation personnelle que s’il est prévisible que l’instruction aboutira à un acte d’accusation ou à une ordonnance pénale. À défaut d’une telle issue, le ministère public et les tribunaux ne peuvent pas interroger le prévenu à cet égard. Inversement, la juridiction d’appel est tenue de requérir un extrait de casier judiciaire lorsqu’elle condamne le prévenu.

Dans le casier judiciaire informatisé VOSTRA figurent notamment les personnes contre lesquelles une procédure pénale pour crime ou délit est pendante en Suisse (art. 366 al. 1 CP et art. 7 let. a de l’Ordonnance sur le casier judiciaire ; ci-après, Ordonnance VOSTRA). La saisie des données relatives à la procédure pénale en cours doit avoir lieu dans un délai de deux semaines dès l’ouverture de la procédure ou dès la modification opérée dans VOSTRA (art. 11 al. 3 Ordonnance VOSTRA).

Après la clôture des débats, le tribunal se retire pour délibérer à huis clos (art. 348 al. 1 CPP). S’il n’est pas encore en mesure de trancher l’affaire, il décide de compléter les preuves, puis de reprendre les débats (art. 349 CPP). Si le tribunal se rend compte, lors des délibérations, que le cas ne peut pas encore être jugé, il lui appartient de compléter lui-même les preuves. Le tribunal notifie ensuite son jugement conformément à l’art. 84 CPP.

En l’espèce, suite à l’appel de la partie plaignante et du Ministère public valaisan en mars 2021, le Tribunal cantonal a demandé l’extrait du casier judiciaire du prévenu en juin 2021 et fixé les débats d’appel au 6 octobre 2021. Quelques jours avant ceux-ci, le Ministère public du canton de Valais, Office régional du Haut-Valais, a réceptionné un nouveau rapport de dénonciation pour des faits commis en juillet 2021. Ceux-ci ont fait l’objet d’une ordonnance pénale en novembre 2021 qui est restée incontestée. Finalement, par jugement du 4 mars 2022, le Tribunal cantonal a condamné le prévenu. Il a arrêté la peine en se fondant sur l’extrait de casier judiciaire demandé en juin 2021.

Le Tribunal fédéral relève que cet extrait de casier judiciaire datait de plus de 3 mois au moment des débats et de plus de 8 mois au moment du jugement. Aussi, lors de la fixation de la peine, le Tribunal cantonal a accordé une importance particulière au fait que le prévenu n’avait pas récidivé depuis octobre 2017. Cette autorité aurait dû, dès lors, clarifier la situation personnelle du prévenu, conformément à l’art. 195 al. 2 CPP, et compléter les preuves, en vertu de l’art. 349 CPP en lien avec l’art. 405 al. 1 CPP, en se procurant un extrait actuel du casier judiciaire. Cela vaut d’autant plus que le Tribunal cantonal n’a pas respecté le délai d’ordre de 90 jours pour motiver son jugement (art. 84 al. 4 CPP).

Partant, en retenant que le prévenu n’avait pas récidivé depuis octobre 2017, le Tribunal cantonal a constaté de manière manifestement inexacte la situation personnelle du prévenu. Il a par conséquent violé l’art. 195 al. 2 CPP.

Eu égard à ce qui précède, le Tribunal fédéral admet le recours, annule le jugement et renvoie la cause au Tribunal cantonal pour nouveau jugement.

Proposition de citation : Elena Turrini, L’exigence d’un extrait de casier judiciaire à jour, in : www.lawinside.ch/1278/