Le meurtre passionnel et la légitime défense excessive

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ATF 142 IV 14TF, 26.11.15, 6B_454/2015*

Faits

Une personne tue une autre personne lors d’une altercation. Le Tribunal de première instance condamne le prévenu à 4 ans de prison pour meurtre commis en légitime défense excessive (art. 111 CP en relation avec l’art. 16 al. 1 CP). Sur recours du prévenu, le Tribunal cantonal le condamne à 30 mois de peine privative de liberté. Le prévenu saisit le Tribunal fédéral et reproche au Tribunal cantonal de ne pas avoir examiné s’il s’était plutôt rendu coupable de meurtre passionnel commis en légitime défense excessive.

Droit

Dans une ancienne jurisprudence, le Tribunal fédéral avait estimé qu’un auteur pouvait commettre un meurtre passionnel en état de légitime défense excessive (ATF 102 IV 228). En revanche, la doctrine majoritaire considère que si l’émotion violente, condition imposée par le meurtre passionnel, provient d’une attaque d’un tiers, l’auteur doit être condamné pour meurtre commis en état de légitime défense excessive. Partant, un tel état de fait exclurait le meurtre passionnel.

Le Tribunal fédéral se rattache à cette opinion et effectue un revirement de jurisprudence. A cette fin, il rappelle le principe de l’interdiction de la double prise en considération des mêmes éléments (Doppelverwertungsverbot). Celui-ci empêche de prendre en compte des circonstances particulières une première fois au stade de la typicité (infraction privilégiée ou qualifiée) et une seconde fois lors de la fixation de la peine (facteur de réduction ou d’aggravation de la peine). Dans le cas contraire, les mêmes faits influenceraient deux fois en faveur ou en défaveur du prévenu. Une émotion violente ou un désarroi profond, qui fonde le meurtre passionnel, n’est ainsi pas susceptible d’engendrer en plus une réduction de peine pour légitime défense excessive.

Par conséquent, l’application de l’art. 113 CP exclut celle de l’art. 16 al. 1 CP. Le Tribunal cantonal n’a dès lors pas violé le droit en retenant que le prévenu s’est rendu coupable de meurtre, et non pas de meurtre passionnel, commis en état de légitime défense excessive.

Partant, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Julien Francey, Le meurtre passionnel et la légitime défense excessive, in : www.lawinside.ch/138/