La contribution d’entretien en cas de divorce après l’âge de la retraite
Une limitation dans le temps de l’obligation d’entretien n’est pas justifiée lorsque le mariage a duré de nombreuses années et que le divorce survient après l’âge ordinaire de la retraite. En outre, le calcul de l’obligation d’entretien n’a pas pour objectif de garantir un titre de séjour en vue d’un hypothétique retour en Suisse.
Faits
En 1972, un couple de nationalité italienne se marie à l’étranger avant de vivre en Suisse. L’épouse a quitté son activité professionnelle et a élevé les deux enfants communs aujourd’hui majeurs. Depuis octobre 2017, le mari vit en Bulgarie et l’épouse continue de vivre en Suisse. Après 50 ans de mariage, le mari dépose une demande de divorce auprès du Tribunal régional du Jura bernois-Seeland. Ce dernier fixe une contribution d’entretien en faveur de l’épouse. Sur appel du mari, la Cour suprême du canton de Berne confirme la décision de l’instance inférieure.
Le mari exerce un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral. Ce dernier doit se déterminer sur la limitation de l’obligation d’entretien en cas de divorce après l’âge ordinaire de la retraite.
Droit
Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la jurisprudence selon laquelle l’obligation de verser des contributions d’entretien en cas de divorce s’éteint, en principe, au plus tard à l’âge ordinaire de la retraite comprend des exceptions. En effet, cette jurisprudence est motivée par le fait qu’en règle générale, avec l’arrivée à l’âge de la retraite, la capacité contributive du débiteur diminue de sorte que la contribution d’entretien doit être limitée dans le temps, compte tenu également des rentes AVS auxquelles les époux ont droit.
En l’espèce, la vie commune s’est étendue au-delà de l’âge de la retraite. Dès lors, il existe un droit au maintien du niveau de vie commune même si les époux ont divorcé après l’âge de la retraite. Certes, même en cas de divorce à l’âge de la retraite, le principe selon lequel les contributions d’entretien doivent être limitées dans le temps de manière appropriée s’applique. Cependant, après presque 50 ans de vie commune, une limitation de l’obligation d’entretien ne se justifierait pas notamment en raison de l’âge très avancé des époux.
En outre, l’époux fait valoir le fait que la décision attaquée a pour effet de lui rendre impossible tout retour en Suisse. Selon l’époux, l’octroi d’une contribution d’entretien aurait pour conséquence que s’il vivait en Suisse, il tomberait en dessous du minimum vital. Ainsi, il dépendrait de l’aide sociale, ce qui exclurait une autorisation de séjour. En tant que ressortissant d’un pays de l’Union européenne, il serait donc indirectement discriminé par rapport à un ressortissant suisse. Par conséquent, l’octroi d’une contribution d’entretien devrait être annulé.
Le Tribunal fédéral rejette cet argument. La méthode concrète en deux étapes fixe les contributions entre ex-époux sur la base des circonstances actuelles ou clairement prévisibles (ATF 147 III 293, résumé in LawInside.ch/1050). Or, le Tribunal fédéral retient d’abord qu’aucun indice ne permet de prévoir un futur retour en Suisse du mari. En outre, s’il décidait effectivement un jour de rentrer en Suisse, il pourrait demander la suspension provisoire des contributions d’entretien avant leur modification définitive. Enfin, le Tribunal fédéral relève que le fondement et le but du calcul des contributions d’entretien est de couvrir les besoins matériels effectifs des ex-époux. Ni la nationalité ni le titre de séjour de l’époux ne sont pertinents à cet égard, tout comme ses souhaits potentiels quant à son changement de pays de séjour lesquels ne peuvent être pris en compte. Par conséquent, l’obligation d’entretien dure en l’espèce jusqu’au décès de l’un des époux conformément à l’art. 130 al. 1 CC.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, La contribution d’entretien en cas de divorce après l’âge de la retraite, in : www.lawinside.ch/1471/