La résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire en raison de l’acceptation d’avantages
Il n’est pas arbitraire de considérer que le fait, pour un fonctionnaire, d’avoir accepté de multiples avantages pendant plusieurs années et d’avoir en outre attribué des mandats à deux sociétés dans lesquelles il détenait des parts constituait un manquement important aux devoirs de service.
Faits
En 2019, une procédure pénale est initiée à l’encontre d’un fonctionnaire travaillant au sein de l’Office cantonal genevois des bâtiments pour corruption passive (art. 322quater CP) et/ou acceptation d’un avantage (art. 322sexies CP). En substance, il lui est reproché de s’être fait offrir des voyages et des repas dans des restaurants gastronomiques par des entreprises en échange de mandats de l’Office.
En 2021, à la suite de la communication des résultats de l’enquête pénale à l’autorité, le fonctionnaire est informé de la procédure pénale et libéré de son obligation de travailler. Lors d’entretiens subséquents avec son employeur, plusieurs pistes sont évoquées, notamment l’ouverture d’une enquête administrative, une démission, une retraite anticipée ou une résiliation des rapports de service.
Par décision du 25 août 2022, après avoir constaté l’impossibilité d’un reclassement du fonctionnaire auprès d’autres services de l’Etat, le Conseiller d’Etat compétent résilie les rapports de service du fonctionnaire.
La Chambre administrative de la Cour de justice genevoise rejette le recours de l’intéressé contre cette décision. Le fonctionnaire interjette un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral, qui doit se prononcer sur la conformité au droit de la décision entreprise.
Droit
Le recourant invoque en premier lieu une violation de son droit d’être entendu. Au cours de la procédure, il n’a en effet pas eu accès à certaines pièces qu’il réclamait. Par ailleurs, il estime que la décision de mettre fin aux rapports de service aurait déjà été prise avant même qu’il ne soit entendu.
En l’espèce, le recourant a eu accès tant au dossier de la procédure administrative que de la procédure pénale. Le fait qu’il veuille consulter d’autres pièces en mains de l’autorité équivaut en réalité à une réquisition de preuves.
Le droit d’être entendu, garanti par l’art. 29 al. 2 Cst, ne fait pas obstacle à la renonciation par l’autorité de procéder à des mesures d’instruction lorsque les preuves déjà administrées lui ont permis de forger sa conviction. L’autorité garde alors la possibilité de refuser d’autres mesures probatoires lorsque, en procédant de manière non arbitraire (art. 9 Cst) à une appréciation anticipée des preuves, elle est certaine que ces dernières ne pourraient pas l’amener à modifier son opinion.
Le Tribunal fédéral estime que l’instance précédente a procédé de manière non arbitraire en rejetant les réquisitions de preuve du recourant. De plus, il considère également que le fait que l’autorité ait abordé avec le recourant une résiliation potentielle de ses rapports de service en amont de la prise de décision ne signifie pas encore que la décision en question eût déjà été prise. Partant, le Tribunal fédéral rejette le grief de violation du droit d’être entendu.
Le recourant invoque également une violation du principe de la proportionnalité en lien avec l’arbitraire. À ce titre, il fait valoir que les art. 21 al. 3 et 22 lit. b de la Loi genevoise générale relative au personnel de l’administration cantonale, du pouvoir judiciaire et des établissements médico-sociaux (LPAC) auraient été appliqués de manière arbitraire.
Selon l’art. 21 al. 3 LPAC, l’autorité compétente peut résilier les rapports de service du fonctionnaire pour un motif fondé. Elle motive sa décision. Elle est tenue, préalablement à la résiliation, de proposer des mesures de développement et de réinsertion professionnels et de rechercher si un autre poste au sein de l’administration cantonale correspond aux capacités de l’intéressé. Les modalités sont fixées par règlement. L’art. 22 lit. b LPAC dispose qu’il y a motif fondé lorsque la continuation des rapports de service n’est plus compatible avec le bon fonctionnement de l’administration, soit notamment en raison de l’inaptitude à remplir les exigences du poste.
En l’espèce, le Tribunal fédéral relève qu’il n’est pas arbitraire de considérer que le fait, pour le fonctionnaire, d’avoir accepté de multiples avantages pendant plusieurs années et d’avoir en outre attribué des mandats à deux sociétés dans lesquelles il détenait des parts constituait un manquement important aux devoirs de service, sans que les bonnes évaluations du recourant n’y change quelque chose. L’autorité précédente pouvait, à bon droit, considérer que le comportement du recourant avait occasionné une rupture du lien de confiance entre lui et sa hiérarchie, et plus généralement de la confiance que les administrés doivent pouvoir avoir dans les agents de l’Etat.
S’agissant enfin du grief de violation du principe de la célérité, le Tribunal fédéral retient que l’autorité a agi en faisant preuve de la diligence requise. Bien qu’elle ait connu les faits depuis 2019, elle devait attendre les résultats de l’enquête pénale avant de prendre des mesures à l’encontre du recourant.
Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.
Proposition de citation : Camille de Salis, La résiliation des rapports de service d’un fonctionnaire en raison de l’acceptation d’avantages, in : www.lawinside.ch/1476/