Le géniteur d’un embryon avorté n’a pas la qualité pour recourir
Le géniteur d’un embryon avorté n’a pas la qualité pour recourir contre un classement de la procédure dirigée contre la mère pour interruption de grossesse punissable. D’une part, il n’est pas titulaire du bien juridique protégé par l’art. 118 al. 3 CP (cum art. 115 CPP). D’autre part, il ne saurait être considéré comme un proche de la victime au sens de l’art. 116 al. 2 CPP, car l’embryon, n’étant pas titulaire de la personnalité avant sa naissance (art. 31 al. 1 CC), ne peut être considéré comme une victime.
Faits
Un homme dépose plainte pénale contre son ex-compagne pour interruption de grossesse punissable. Le Ministère public classe la procédure pénale contre la mère s’agissant de cette infraction.
L’homme dépose un recours au Tribunal cantonal fribourgeois contre le classement. Ce dernier n’entre pas en matière sur le recours.
L’intéressé interjette alors un recours en matière pénale au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le recourant possède la qualité pour recourir contre le classement de la procédure.
Droit
Le recourant fonde sa qualité pour recourir sur sa qualité de lésé en tant que géniteur de l’embryon, sur la base de l’art. 115 CPP, et sur sa qualité de proche de la victime, l’embryon lui-même, sur la base de l’art. 116 al. 2 CPP.
A titre préliminaire, le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’on entend par lésé toute personne dont les droits ont été touchés directement par une infraction (art. 115 al. 1 CPP). En d’autres termes, il faut être titulaire du bien juridique protégé par la norme pénale en question pour avoir la qualité de lésé.
Une personne est une victime lorsqu’elle est touchée dans son intégrité physique, sexuelle ou psychique (art. 116 al. 1 CPP). Les proches de la victime ont les mêmes droits que cette dernière lorsqu’ils se portent parties civiles contre les prévenus (art. 117 al. 3 CPP).
Premièrement, le Tribunal fédéral relève que, selon l’art. 118 al. 3 CP, l’interruption de grossesse après la douzième semaine suivant le début des dernières règles est punissable lorsque les conditions fixées à l’art. 119 al. 1 CP ne sont pas remplies. Le bien juridique protégé par l’art. 118 al. 3 CP est la vie humaine pendant la grossesse, c’est-à-dire l’embryon et le fœtus jusqu’à la naissance.
Le Tribunal fédéral constate que le père n’est pas titulaire de ce bien juridique. Partant, il ne peut pas fonder sa qualité pour recourir sur la base d’une qualité de lésé (art. 115 CPP).
Secondement, le Tribunal fédéral relève que la personnalité commence avec la naissance accomplie de l’enfant vivant, autrement dit avec la vie propre de l’enfant (art. 31 al. 1 CC). Si la vie fœtale est interrompue, la vie en devenir n’a jamais acquis une propre personnalité juridique.
En l’espèce, le fœtus avorté ne saurait ainsi être considéré comme une victime au sens de l’art. 116 CPP. Dès lors, à défaut de l’existence d’une victime, le père ne peut être qualifié de proche d’une victime (art. 116 al. 2 CPP).
A la lumière de ces considérations, le Tribunal fédéral conclut que le recourant n’est ni titulaire du bien juridique protégé par l’art. 118 al. 3 CP, ni le proche d’une victime (art. 116 al. 2 CPP). Partant, il n’a pas qualité pour recourir contre un classement de la procédure pénale dirigée contre la mère pour interruption de grossesse punissable. Le Tribunal fédéral rejette donc le recours.
Proposition de citation : Margaux Collaud, Le géniteur d’un embryon avorté n’a pas la qualité pour recourir, in : www.lawinside.ch/1479/