Le réexamen des rapports familiaux après une décision de renvoi à l’instance inférieure
Après le renvoi d’une affaire de droit de la famille relative aux enfants par le Tribunal fédéral, l’instance cantonale supérieure doit actualiser les éléments de fait à la base de sa décision avant de rendre une nouvelle décision.
Faits
Les parents de deux enfants se séparent et concluent une convention réglant les conséquences du divorce à l’exception de l’autorité parentale. Le Bezirksgericht zurichois prononce le divorce et approuve la convention partielle. Il attribue l’autorité parentale exclusive à la mère et prononce la garde alternée entre les parents. L’Obergericht zurichois rejette l’appel du père tendant principalement au prononcé de l’autorité parentale conjointe.
Par décision du 20 décembre 2023 (partiellement publiée dans l’ATF 150 III 97, résumé in LawInside.ch/1429), le Tribunal fédéral admet partiellement le recours en matière civile formé par le père, annule le jugement de l’Obergericht en ce qui concerne l’autorité parentale et renvoie l’affaire à ce dernier afin qu’il examine si l’attribution d’un pouvoir de décision exclusif à l’un des parents se justifie dans certains domaines tout en maintenant l’autorité parentale conjointe.
Par jugement du 13 février 2024, l’Obergericht statue à nouveau, maintient les enfants sous l’autorité parentale conjointe et octroie à la mère le pouvoir de décision dans les domaines des soins médicaux et thérapeutiques ainsi que de la formation scolaire et professionnelle des enfants en limitant partiellement le droit de garde du père.
Le père exerce à nouveau un recours en matière civile auprès du Tribunal fédéral.
Droit
En substance, le père reproche à l’Obergericht d’avoir omis d’établir les faits déterminants au moment de la décision du 13 février 2024 et donc d’avoir constaté les faits en violation du droit fédéral. En particulier, dans l’arrêt attaqué, l’Obergericht s’est fondé sur les constatations de fait qu’il avait déjà retenues dans son arrêt précédent. Il n’a donc pas procédé à de nouvelles clarifications et n’a pas entendu une nouvelle fois les parties.
Le Tribunal fédéral commence par rappeler qu’en matière de procédure applicable aux enfants dans les affaires de droit de la famille, le tribunal établit les faits d’office conformément à l’art. 296 al. 1 CPC. De ce principe découle l’obligation du tribunal de prendre en considération tous les éléments de fait déterminants et de les relever indépendamment des conclusions des parties. Ainsi, le tribunal doit tenir compte de toutes les circonstances juridiquement pertinentes qui apparaissent au cours de la procédure, même si les parties ne s’y réfèrent pas expressément.
En application de ce principe, l’instance cantonale supérieure qui rend une décision après renvoi doit actualiser les éléments de fait à la base de sa décision avant de rendre une nouvelle décision. A cette occasion, elle doit au moins vérifier si des changements importants sont intervenus en se renseignant auprès des parties. De cette manière, le tribunal respecte le droit d’être entendu qui impose d’entendre les parties aussi bien après le renvoi que sur d’éventuels nouveaux éléments.
En outre, le Tribunal fédéral souligne que l’effet contraignant de la décision de renvoi ne change rien à ce qui précède. Quand bien même la décision de renvoi lie les instances cantonales, les novas admissibles demeurent réservées. Ainsi, dans le champ d’application de l’art. 296 al. 1 CPC, de tels éléments peuvent être introduits dans la procédure indépendamment des restrictions de l’art. 317 al. 1 CPC, ce qui permet de prendre en considération des développements importants de l’état de fait et de procéder à l’actualisation exigée par le principe de l’instruction sans restriction.
En l’espèce, dans sa décision du 13 février 2024, l’Obergericht a statué à nouveau sans avoir donné aux parties la possibilité de s’exprimer sur d’éventuels changements quant à leurs rapports familiaux. Elle a ainsi non seulement omis d’établir les faits d’office conformément à l’art. 296 al. 1 CPC, mais elle a également violé le droit des parties d’être entendues ancré dans l’art. 29 al. 2 Cst. De plus, le Tribunal fédéral relève que l’Obergericht a fondé sa décision sur des faits constatés bien plus d’une année auparavant, ce qui n’est pas admissible dans les affaires de droit de la famille relatives aux enfants car les circonstances peuvent évoluer rapidement. Ainsi, l’Obergericht a statué sur la base de faits qui n’avaient plus d’importance au moment du jugement et n’a pas tenu compte de circonstances essentielles pour la décision. Par conséquent, il a constaté les faits en violation du droit fédéral.
Partant, le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie l’affaire à l’Obergericht.
Proposition de citation : André Lopes Vilar de Ouro, Le réexamen des rapports familiaux après une décision de renvoi à l’instance inférieure, in : www.lawinside.ch/1480/