Le piéton allongé sur l’autoroute percuté par une voiture

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TF, 18.01.2016, 6B_291/2015

Faits

Le passager d’un car, ivre et sous l’emprise du cannabis, exige de quitter le bus alors que celui-ci roule sur l’autoroute par une nuit de neige. Le chauffeur obtempère et débarque son passager sur la bande d’arrêt d’urgence. Celui-ci déambule quelque peu puis s’allonge sur l’autoroute. Il est percuté peu de temps plus tard par une voiture et subit de graves lésions corporelles.

Le chauffeur de car et la conductrice de la voiture à l’origine de la collision sont acquittés de tous chefs de prévention en deuxième instance cantonale.

Le passager recourt au Tribunal fédéral, qui doit déterminer si le chauffeur de bus en débarquant son passager sur la bande d’arrêt d’urgence et la conductrice en le percutant alors qu’il était allongé sur l’autoroute se sont rendus coupables de lésions corporelles par négligence.

Droit

L’infraction de lésions corporelles par négligence (art. 125 CP) est réalisée en présence (1) de lésions corporelles, (2) d’une négligence et (3) d’un lien de causalité entre les premières et la seconde. Il y a négligence (art. 12 al. 3 CP) lorsque l’auteur viole fautivement un devoir de prudence. S’agissant d’un accident de la route, les règles de la circulation routière déterminent quels devoirs imposait la prudence.

En l’espèce, l’existence de lésions corporelles n’est pas contestée. En ce qui concerne la conductrice de la voiture, celle-ci roulait à une vitesse adaptée et a immédiatement réagi au moment où elle a vu l’obstacle en donnant un coup de volant et en freinant. Elle ne pouvait apercevoir le recourant plus tôt, celui-ci étant vêtu de noir et allongé sur la route, de nuit. Ainsi, aucune négligence ne peut lui être reprochée, de telle sorte qu’elle doit être acquittée du chef de prévention de lésions corporelles par négligence.

S’agissant du chauffeur de bus, le Tribunal fédéral examine en premier lieu si son comportement a causé de manière naturelle et adéquate les lésions corporelles du recourant. La causalité adéquate peut être exclue lorsqu’une cause concomitante revêt une importance telle qu’elle s’impose comme la cause principale de l’événement concerné et relègue au second plan les agissements de l’auteur. Or, le fait pour un piéton de se coucher sans aucune raison sur l’autoroute, de nuit et par des conditions météorologiques défavorables constitue un comportement intrinsèquement irrationnel, exceptionnel et imprévisible. Il relègue ainsi à l’arrière-plan toute négligence fautive dont le chauffeur de car se serait rendu coupable en débarquant son passager sur la bande d’arrêt d’urgence. Partant, le comportement de la victime in casu interrompt le lien de causalité adéquate entre les agissements du chauffeur de bus et les lésions corporelles. Dès lors, l’acquittement s’impose.

Partant, le Tribunal fédéral confirme l’acquittement du chauffeur de bus et de la conductrice.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, Le piéton allongé sur l’autoroute percuté par une voiture, in : www.lawinside.ch/169/