Le plan de quartier “Aminona-Ouest”

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TF, 13.01.2016, 1C_568/2014, 1C_576/2014

Faits

Le hameau d’Aminona est affecté en zone constructible touristique selon le plan communal d’affectation des zones (ci-après : le PAZ) (2000) et le règlement communal des constructions et des zones (ci-après : le RCCZ) (2002). En 2010, après avoir écarté les oppositions d’Helvetia Nostra et de la Fondation suisse pour la protection et l’aménagement du paysage (ci-après : les opposants), la commune a adopté le plan de quartier « Aminona-Ouest » et son règlement d’application. Ce plan couvre une zone, déjà constituée de trois tours, d’un vaste projet touristique. Il prévoit la construction de cinq autres tours destinées à accueillir des hôtels, des apparthôtels, de la parahôtellerie et des commerces, ainsi qu’une place avec parking souterrain. Le règlement du plan de quartier prévoit que la répartition des affectations des surfaces habitables (résidences principales, résidences secondaires, etc.) sera précisée avant l’autorisation de construire.

Sur recours des opposants, le Conseil d’Etat a confirmé et homologué l’adoption du plan en mars 2013. Cette décision a été confirmée en dernière instance cantonale. Les opposants saisissent le Tribunal fédéral et demandent l’annulation des décisions et arrêts précités. Le Tribunal fédéral doit déterminer si la commune a violé l’art. 75b Cst. en raison de la mention des résidences secondaires comme affectation possible et l’art. 21 al. 2 LAT en omettant de réexaminer le besoin en zones à bâtir.

Droit

Les opposants font partie des organisations habilitées à recourir conformément aux art. 55 LPE et 12 LPN (ch. 9 et 13 annexe de l’ODO). Ils ont donc en principe la qualité pour agir dans les domaines du droit de l’environnement visés depuis dix ans au moins par leurs statuts dès lors que la planification litigieuse est soumise aux dispositions de l’étude d’impact sur l’environnement et, pour autant que le grief invoqué touche à une tâche fédérale au sens des art. 78 al. 2 Cst. et 2 LPN, aux dispositions en matière de protection de la nature (art. 12 LPN). Le droit de recours de l’art. 12 LPN est cependant exclu en matière d’actes normatifs.

Les opposants allèguent premièrement une violation de l’art. 75b Cst. en raison de l’affectation en résidence secondaire tolérée par le plan de quartier. S’il est désormais clair que la limitation des résidences secondaires relève d’une tâche fédérale et que le droit de recours est ouvert contre les décisions affectant potentiellement cette limitation, la question se pose de savoir si un droit de recours est également ouvert contre le plan litigieux. Selon le Tribunal fédéral, même si le plan de quartier ne précise pas l’affectation des logements, il a un caractère décisionnel. Les opposants ont dès lors la qualité pour soulever ce grief.

Sur le fond, le Tribunal fédéral rappelle que la limitation susmentionnée interdit directement l’autorisation de nouvelles résidences secondaires tant que la limite communale des 20 % demeurera dépassée et indépendamment de ce qui peut être autorisé dans le règlement du plan. Vu l’issue du recours, réformer le plan et le règlement en supprimant la mention des résidences secondaires comme affectation autorisée n’est toutefois pas nécessaire.

Les opposants invoquent ensuite la violation des principes de l’aménagement du territoire. La limitation des résidences secondaires pouvant remettre en cause les besoins en terrains destinés à une affectation touristique, ce grief peut être mis en perspective avec l’art. 75b Cst. et est dès lors recevable dans le cadre de l’art. 12 LPN.

Lorsque les circonstances se sont sensiblement modifiées, les plans d’affectation doivent faire l’objet des adaptations nécessaires (art. 21 al. 2 LAT). L’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst. peut constituer un changement de circonstances pertinent, en particulier lorsque les réserves de zones à bâtir ont été constituées en prévision de la construction de résidences secondaires. Les zones sont alors manifestement surdimensionnées et doivent être réexaminées avec une vue d’ensemble sur le territoire communal. Lorsque le plan général d’affectation nécessite lui-même une révision, il ne peut être mis en œuvre par un plan de quartier avant l’examen d’ensemble. Tel est le cas lorsqu’il s’agit de concrétiser une zone d’habitation par un plan de quartier dans un secteur en périphérie pas immédiatement constructible.

En l’espèce, l’entrée en vigueur de l’art. 75b Cst. avant l’homologation du plan litigieux justifiait un réexamen des besoins en matière d’hébergement touristique et une adaptation correspondante de l’affectation des zones. Il n’était en effet pas possible de statuer de manière isolée sur le sort du secteur concerné, constitué de petits îlots constructibles isolés, indépendamment d’un examen général du dimensionnement des zones à bâtir de la commune. Vu la date déjà ancienne (2000/2002) du PAZ et du RCCZ et le caractère non constructible en l’état du secteur, aucun intérêt supérieur ne s’opposait à l’adaptation. L’adoption du plan de quartier était ainsi contraire à l’art. 21 al. 2 LAT.

En conséquence, les recours sont admis et les décisions et arrêts cantonaux sont annulés. Les autorités communales devront déterminer si et dans quelle mesure elles peuvent reprendre le projet litigieux dans une procédure de planification répondant aux exigences des art. 21 al. 2 LAT et 75b Cst.

Note

Le Tribunal fédéral laisse ouverte la question de savoir si la cour cantonale aurait dû examiner la conformité du PAZ à la LAT et si l’entrée en vigueur des nouvelles dispositions de la LAT impose une adaptation immédiate de la planification communale.

Proposition de citation : Camilla Jacquemoud, Le plan de quartier “Aminona-Ouest”, in : www.lawinside.ch/171/