La prison à vie et l’internement ordinaire

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ATF 142 IV 56 | TF, 04.02.2016, 6B_513/2015*

Faits

Un meurtrier est condamné en deuxième instance à la prison à vie et à l’internement ordinaire.

Dans le cadre du recours formé par le prévenu contre cette condamnation, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’internement ordinaire peut être prononcé simultanément à la prison à vie.

Droit

Le recourant fait valoir qu’ayant été condamné à la prison à vie, il ne sera relâché que si les conditions d’une libération conditionnelle sont remplies, soit en particulier s’il n’y a pas lieu de craindre de nouvelles infractions de sa part (absence de risque de récidive,  art. 86 al. 1 CP). Or, l’internement ne peut être prononcé que si la seule peine ne suffit pas à écarter le risque de récidive (art. 56 al. 1 let. a CP). Si le recourant devait être libéré conditionnellement, ce serait précisément parce que les autorités compétentes auraient estimé qu’il ne présentait plus de risque de récidive. Partant, le recourant considère qu’il n’aurait pas dû être condamné à l’internement en plus de la prison à vie, dès lors que la peine de prison à vie suffit à écarter tout risque de récidive (art. 56 al. 1 let. a CP).

Le Tribunal fédéral n’a encore jamais tranché la question de l’admissibilité d’un prononcé simultané de la prison à vie et de l’internement ordinaire. Le texte de l’art. 64 al. 3 CP envisage déjà une telle l’hypothèse. Les rares avis doctrinaux sur la question sont partagés.

Lorsqu’un auteur est condamné à la fois à une peine privative de liberté et à un internement, sa libération ne répond pas aux règles ordinaires sur la libération conditionnelle (art. 86 à 88 CP), mais à la règle spéciale de l’art. 64 al. 3 CP (cf. art. 64 al. 2 CP). La règle spéciale de libération de l’art. 64 al. 3 CP se distingue sous plusieurs aspects des règles ordinaires de libération conditionnelle (art. 86 à 88 CP). En particulier, la libération selon la règle spéciale relève toujours de la compétence du juge ayant prononcé l’internement (art. 64 al. 3 CP) et non pas de celle de l’autorité compétente (cf. art. 86 al. 1 CP). De plus, une expertise indépendante est nécessaire (art. 64b al. 2 let. b CP, applicable par le renvoi de l’art. 64 al. 3 CP). Aussi, un comportement correct en liberté doit être à prévoir (art. 64 al. 3 CP), alors que, selon les règles ordinaires, il suffit qu’il n’y ait pas lieu de craindre la commission de nouveaux crimes ou délits (art. 86 al. 1 CP). En outre, le délai minimal de mise à l’épreuve est de deux ans (art. 64a al. 1 CP, applicable par le renvoi de l’art. 64 al. 3 CP) et non pas d’un an (cf. art. 87 al. 1 CP). Enfin, un condamné à l’internement peut être plus facilement réintégré (cf. art. 64a al. 3 CP, applicable par le renvoi de l’art. 64 al. 3 CP et art. 89 al. 1 CP).

Les exigences formelles et matérielles de remise en liberté sont ainsi plus élevées lorsque le détenu a été condamné à un internement en plus d’une peine privative de liberté, même lorsqu’il a fait l’objet d’une condamnation à perpétuité. Le plus long délai de mise à l’épreuve et la réintégration facilitée permettent de mieux garantir l’absence de récidive. Ainsi, le prononcé de l’internement ordinaire en sus de la prison à vie permet une meilleure protection de la sécurité publique, la seule peine ne permettant pas d’écarter le risque de récidive de façon équivalente.

Partant, le Tribunal fédéral retient qu’il est admissible de condamner une personne à la fois à la prison à vie et à l’internement ordinaire.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La prison à vie et l’internement ordinaire, in : www.lawinside.ch/193/