Initiative législative et brochure officielle : violation de l’art. 34 al. 2 Cst.

ATF 147 I 297TF, 09.04.2021, 1C_130/2020*

En affirmant sans équivoque la non-conformité au droit supérieur d’une initiative dans la brochure officielle d’informations, les autorités concernées ont violé l’art. 34 al. 2 Cst. et la libre formation de la volonté des votantes et des votants. Vu le résultat très serré et l’influence décisive qu’ont pu avoir les informations non objectives fournies par les autorités, il se justifie d’annuler la votation cantonale.

Faits

Par décret du 16 septembre 2019, le Grand Conseil tessinois recommande au peuple de rejeter l’initiative législative « Le vittime di agressioni non devono pagare i costi della legitima difesa » (« Les victimes d’agressions ne doivent pas payer les coûts de la légitime défense »). Les Chancelleries des communes font parvenir aux électeurs le matériel nécessaire à la votation, y compris la brochure d’informations approuvée par le gouvernement cantonal.

Le 19 janvier 2020, le premier signataire de l’initiative forme un recours auprès du Conseil d’Etat. Selon lui, la brochure contient des informations non vérifiées, notamment concernant une inégalité de traitement et une violation du droit fédéral. L’autorité aurait donc outrepassé ses pouvoirs en fournissant des informations incomplètes aux citoyennes et aux citoyens. Il demande le report du vote et la publication d’une nouvelle brochure.… Lire la suite

Pratique relative à l’autorisation de séjour pour études conforme à l’interdiction de la discrimination ?

ATF 147 I 89 | TF, 24.03.2021, 2D_34/2020*

Il n’existe pas de droit à obtenir une autorisation de séjour pour études (art. 27 LEI). Par conséquent, le recours en matière de droit public (art. 82 ss LTF) n’est pas recevable à ce sujet, ce qui ouvre la voie au recours constitutionnel subsidiaire (art. 113 ss LTF).

La pratique consistant à ne pas accorder d’autorisation de séjour pour études aux étrangers de plus de trente ans viole l’interdiction de la discrimination ancrée à l’art. 8 al. 2 Cst. En effet, une telle pratique se fonde de manière déterminante sur le critère de l’âge sans qu’il n’y ait de raison objective justifiant l’utilisation de ce critère.

Faits

En novembre 2019, l’Université de Fribourg admet un ressortissant du Togo, né en 1985, qui souhaite y suivre un master en théologie. Le ressortissant dépose à cette fin une demande d’autorisation d’entrée et de séjour en Suisse au Service de la population et des migrants de l’État de Fribourg. Le Service refuse la demande.

Le Tribunal cantonal fribourgeois rejette le recours du ressortissant togolais au motif que rien ne justifie de s’écarter de la pratique constante qui consiste à refuser l’octroi d’autorisations de séjour pour études aux étrangers de plus de trente ans.… Lire la suite

L’activité de maman de jour dans une PPE

TF, 22.04.2021, 5A_127/2020

Selon l’expérience générale de la vie, la garde de plusieurs jeunes enfants dans un appartement est susceptible d’entraver la tranquillité du voisinage, que ce soit en termes de bruit ou de trépidations. Partant, l’activité de maman de jour est contraire au règlement d’une PPE qui interdit toute activité professionnelle nuisant à la tranquillité de l’immeuble.

Faits

Une PPE est constituée de 3 lots répartis sur trois étages. Le premier se situe au rez-de-chaussée. Le deuxième, situé au 1er étage, appartient à une maman de jour. Elle y exerce son activité depuis 2009. Son époux est propriétaire du troisième lot au 2e étage, qui sert de logement au couple.

La voisine du rez-de-chaussée s’oppose à l’exercice de l’activité de maman de jour, contraire selon elle à l’art. 7A du règlement d’utilisation de la PPE. Ce règlement prévoit que l’exercice d’une profession n’est autorisé que s’il ne nuit pas à la bonne tenue et à la tranquillité de l’immeuble et qu’il n’apporte aucune gêne aux autres propriétaires, notamment en raison du bruit, des odeurs et des trépidations.

Le 20 novembre 2013, la voisine ouvre une action en cessation de trouble à l’encontre des époux auprès du Tribunal civil de l’arrondissement de Lausanne et requiert l’interdiction de toute activité professionnelle nuisant à la tranquillité de l’immeuble, notamment celle de maman de jour.… Lire la suite

Les restaurants auront-ils droit à une réduction de loyer suite à la pandémie de Covid-19 ?

Bezirksgericht de Zurich, EB201177-L / U, 23.04.2021 

Lorsqu’une prestation contractuelle n’a pas été fournie conformément à ce que prévoyait le contrat de bail, celui-ci ne peut plus constituer un titre de mainlevée approprié pour les loyers échus, même si le·la bailleur·resse a rempli ses obligations contractuelles.

Par ailleurs, il n’est pas exclu qu’un·e restaurateur·rice lésé·e par la pandémie ait droit à une réduction de loyer sur la base de la clausula rebus sic stantibus (changement de circonstances exceptionnel).

Faits

Une personne exploite un bar-restaurant dans des locaux qu’elle loue en ville de Zurich. Elle ne verse pas l’entier de son loyer pour la période de mars à juillet 2020. La bailleresse initie une poursuite à son encontre. La locataire forme opposition, arguant que la bailleresse n’a pas délivré la prestation requise. La bailleresse forme une requête de mainlevée auprès du Bezirksgericht de Zurich sur la base du contrat de bail.

Droit

Un contrat de bail signé par le·la locataire permet en principe au créancier de requérir la mainlevée provisoire (art. 82 LP) pour les loyers échus et les frais annexes correspondants. La mainlevée doit toutefois être refusée lorsque le·la locataire fait valoir que l’autre partie n’a pas rempli ses obligations conformément au contrat et que les contestations ne sont pas manifestement infondées.… Lire la suite

La surveillance des télécommunications par les services secrets : Arrêt de la Grande Chambre (CourEdH, Big Brother Watch) (I/II)

CourEDH. Grande Chambre, 25.05.2021, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15

L’interception massive de télécommunications et l’acquisition de données secondaires de communication (qui, où et quand) par les services de renseignement ne sont compatibles avec le droit à la vie privée (art. 8 CEDH) que si un cadre légal suffisamment strict les encadre. Des garanties procédurales de bout en bout doivent être mises en place. Parmi d’autres exigences, celles-ci doivent au moins comprendre l’autorisation préalable de la surveillance par une autorité indépendante (judiciaire ou non) et une voie de recours effective a posteriori, ouverte à toutes les personnes ayant (potentiellement) fait l’objet d’une surveillance.

Faits

À la suite des révélations d’Edward Snowden, plusieurs personnes physiques et morales contestent la conformité de la surveillance électronique déployée par les services secrets du Royaume-Uni au droit à la vie privée garanti par la CEDH (art. 8 CEDH).

Après avoir épuisé les voies de droit nationales, les requérants ont agi devant la Cour européenne des droits de l’homme. L’affaire a fait l’objet d’une première décision par la Chambre (CourEDH, 13.09.2018, Affaire Big Brother Watch et autres c. Royaume-Uni, requêtes nos. 58170/13, 62322/14 et 24960/15, résumé in : LawInside.ch/702LawInside.ch/707, et LawInside.ch/725), puis d’une demande de renvoi devant la Grande Chambre.… Lire la suite