L’importance du contrôle judiciaire collégial en cas de levée anticipée d’une mesure thérapeutique

ATF 147 IV 433 | TF, 18.08.2021, 6B_764/2021*

Lorsqu’une autorité décide de lever, de manière anticipée, une mesure thérapeutique qu’elle estime vaine, il est essentiel que cette décision fasse l’objet d’un contrôle judiciaire respectant toutes les garanties procédurales fédérales. En particulier, en vertu de l’art. 19 al. 2 CPP, l’autorité de recours judiciaire est tenue de statuer de manière collégiale et non à juge unique.

Faits

Un homme condamné à une peine privative de liberté de 15 ans pour tentative de meurtre, tentative de cambriolage, viols et contrainte sexuelle voit l’exécution de sa peine reportée en faveur d’un traitement institutionnel au sens de l’art. 59 CP. L’Office de la justice du canton de Zurich, estimant que la mesure est vouée à l’échec, la lève conformément à l’art. 62c al. 1 lit. a CP et ordonne la détention pour des motifs de sûreté.

Suite au rejet de ses recours par la Direction de la Justice et le Tribunal administratif du canton de Zurich – statuant à juge unique – l’intéressé forme un recours en matière de droit pénal auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la légalité de la composition de l’instance précédente, qui a confirmé la mesure à juge unique.… Lire la suite

La naturalisation facilitée (encore) fermée aux partenaires enregistré·e·s

TAF, 30.08.2021, F-76/2019

Le fait que la procédure de naturalisation facilitée soit fermée aux partenaires enregistré·e·s, alors qu’elle est ouverte aux couples mariés, constitue une discrimination contraire à l’art. 14 CEDH en lien avec l’art. 8 CEDH. Dans la mesure où cette discrimination est de peu d’importance et où une ouverture plus large de la procédure de naturalisation facilitée violerait le droit constitutionnel suisse (art. 38 Cst.), il convient néanmoins d’appliquer les dispositions de la Loi sur la nationalité suisse qui prévoient ce régime discriminatoire.

Faits

Un avocat russe (ci-après : le recourant) réside en Suisse depuis 2011. En 2015, il conclut un partenariat enregistré avec un ressortissant suisse, avec lequel il vit depuis lors dans le canton d’Argovie. En 2018, le SEM refuse d’entrer en matière sur la demande de naturalisation facilitée du recourant. Invoquant la Loi sur la nationalité suisse (LN), il invite l’intéressé à déposer une demande de naturalisation ordinaire auprès du canton.

Le Tribunal administratif fédéral est appelé à déterminer si cette décision viole l’art. 14 CEDH en lien avec l’art. 8 ch. 1 CEDH et l’art. 26 en lien avec l’art. 17 al. 1 Pacte ONU II.… Lire la suite

Discrimination salariale : l’équivalence des tâches entre une employée et son prédécesseur 

TF, 20.07.2021, 4A_636/2020

Bien qu’ils aient occupé le même poste, il existe une différence importante en termes d’exigences et de responsabilité entre un employé qui lance de nouveaux processus sur le plan stratégique et une employée qui poursuit et met en œuvre ce qui a déjà été lancé. Le risque d’échec étant nettement inférieur dans ce second cas, il s’agit d’une raison objective d’inégalité de traitement, justifiant en l’espèce une inégalité salariale.

Faits

Une employée, engagée comme Director Operational Excellence, constate qu’elle perçoit un salaire moins élevé que son prédécesseur qui occupait le même poste – soit de CHF 230’000.- contre CHF 300’000.- par année.

Estimant qu’il s’agit d’une discrimination salariale à raison du sexe, elle dépose une demande contre son employeur auprès du Tribunal des prud’hommes de Zurich et réclame la différence (nette) par rapport au salaire de son prédécesseur.

Le Tribunal des prud’hommes zurichois admet la demande de l’employée. Celle-ci aurait rendu vraisemblable une discrimination fondée sur le sexe, sans qu’aucun motif objectif ne justifie cette différence salariale.

Saisi d’un appel de l’employeur, l’Obergericht du Canton de Zurich admet l’appel et rejette la demande de l’employée (LA200010-O/U). Il considère que ses fonctions et celles de son prédécesseur ne sont pas équivalentes.… Lire la suite

L’exploitabilité en procédure civile d’un courriel envoyé par une employée à son avocat

TF, 24.06.2021, 4A_633/2020

L’employeur peut produire en procédure civile un courriel envoyé par une employée, depuis son adresse professionnelle, à son avocat, si le courriel n’était pas indiqué comme « privé » et si l’employeur ne l’a pas cherché précisément pour la procédure civile. Vu qu’il n’a pas été obtenu pour la procédure civile, et que l’employeur a le droit d’avoir accès aux courriels professionnels de l’employée, l’obtention du courriel n’est pas illicite et ce moyen de preuve est donc pleinement exploitable.

Faits

Une société fiduciaire engage une employée. L’actionnaire fondateur et l’employée entrent en litige concernant une commission de courtage. L’actionnaire prétend qu’il a droit à 40 % de la commission, ce que l’employée conteste. En raison de ce litige, l’employée résilie tous les contrats conclus avec la société et l’actionnaire.

Devant les instances judiciaires zurichoises, l’actionnaire produit un courriel envoyé par l’employée à son avocat depuis l’adresse professionnelle de la société. Dans ce courriel, elle admet l’existence d’un accord avec l’actionnaire fondateur selon lequel l’actionnaire a droit à 40 % des commissions.

Le Bezirksgericht de Horgen ne prend pas en considération ce moyen de preuve puisqu’il aurait été obtenu de manière illicite. En effet, l’actionnaire aurait eu accès à ce courriel grâce à l’aide d’un expert informatique qui a accédé à la boite e-mail de l’employée, boîte qui était protégée par un mot de passe.… Lire la suite

L’invalidation du contrat portant sur un retrait d’opposition

TF, 01.06.2021, 4A_73/2021

Un contrat de retrait d’opposition ou de recours n’est pas immoral au sens de l’art. 20 CO si le montant qu’il prévoit est destiné à indemniser des intérêts dignes de protection (confirmation de la jurisprudence). L’application de l’art. 63 CO pour cause de paiement involontaire ne se justifie en cas d’urgence que lorsque le paiement apparaît comme la seule solution possible et raisonnable afin d’éviter des inconvénients déraisonnables (confirmation de la jurisprudence). Les tribunaux ne doivent pas se montrer trop sévères quant au degré de preuve à apporter pour démontrer le caractère involontaire du versement au sens de l’art. 63 CO (précision de la jurisprudence).

Faits

Un constructeur développe un projet immobilier pour une acheteuse. Le contrat prévoit une clause de résiliation en faveur de l’acheteuse si le bâtiment n’est pas livré au 1er mars 2017. Après l’obtention du permis de construire, il apparaît que des modifications doivent être entreprises, un mur de soutènement devant être construit à la limite de la propriété voisine. Celle-ci est exploitée par une société, laquelle fait opposition lors de la mise à l’enquête du mur de soutènement, soulevant une atteinte à l’hygiène de ses locaux de production. Afin que la société retire son opposition, le constructeur accepte de verser lui CHF 240’000 « à fonds perdus » en mars 2016, cette somme correspondant à un dédommagement.… Lire la suite