L’escroquerie lors d’une commande sur Internet

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ATF 142 IV 153 TF, 08.03.16, 6B_887/2015*

Faits

Un internaute achète sur Internet une imprimante à 2’200 francs. Il la reçoit, mais ne paie pas la facture annexée, car il ne dispose pas des moyens nécessaires. Le tribunal de 1ère instance puis le Tribunal cantonal condamnent l’acheteur pour escroquerie. Celui-ci recourt au Tribunal fédéral qui doit préciser les conditions de l’escroquerie lors d’une commande sur Internet.

Droit

Selon l’art. 146 CP, se rend coupable d’escroquerie, « celui qui, dans le dessein de se procurer ou de procurer à un tiers un enrichissement illégitime, aura astucieusement induit en erreur une personne par des affirmations fallacieuses ou par la dissimulation de faits vrais ou l’aura astucieusement confortée dans son erreur et aura de la sorte déterminé la victime à des actes préjudiciables à ses intérêts pécuniaires ».

Le Tribunal fédéral constate qu’en commandant une imprimante sur Internet, le recourant a trompé le vendeur sur sa capacité financière. En effet, l’acheteur ne disposait pas de l’argent pour payer l’imprimante à l’échéance de la facture. Il reste à examiner si cette tromperie relève de l’astuce.

L’astuce est réalisée lorsque l’auteur recourt à un édifice de mensonges, à des manœuvres frauduleuses ou à une mise en scène. La jurisprudence retient aussi un comportement astucieux en cas de fausses informations, si leur vérification n’est pas possible, ne l’est que difficilement ou ne peut raisonnablement être exigée, par exemple pour des actes courants où une vérification serait disproportionnée. Il en va de même si l’auteur dissuade la personne dupe de vérifier les informations ou prévoit qu’elle ne le fera pas en raison d’une relation de confiance particulière. Le comportement de l’auteur n’est pas astucieux si la personne dupe pouvait se protéger avec un minimum d’attention ou éviter l’erreur avec le minimum de prudence que l’on pouvait attendre d’elle. Il n’est cependant pas nécessaire qu’elle ait fait preuve de la plus grande diligence. L’astuce n’est exclue que si la personne dupe est coresponsable du dommage parce qu’elle n’a pas observé les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient. Une coresponsabilité de la personne dupe n’exclut l’astuce que dans des cas exceptionnels.

Dans le cas d’espèce, le Tribunal fédéral estime, contrairement à la cour cantonale, que la commande d’une imprimante à 2’200 francs sur facture pour un privé ne constitue pas un acte courant où une vérification de la solvabilité de l’acheteur ne s’imposait pas. En effet, à ce prix, il s’agissait d’une imprimante très performante qui n’est pas ordinaire pour une personne privée. De plus, la commande sur Internet d’articles payables sur facture est plutôt inhabituelle à l’inverse d’un paiement par carte de crédit ou par avance. Le vendeur qui livre un objet non courant à un inconnu sans paiement préalable accepte un risque de non-paiement. En outre, il n’était pas difficile de se protéger contre l’insolvabilité de l’acheteur, dès lors qu’il suffisait au vendeur de livrer l’imprimante qu’après avoir reçu le paiement. En ne prenant pas cette mesure, le vendeur n’a pas pris les mesures de prudence élémentaires qui s’imposaient, de sorte que le comportement du recourant n’était pas astucieux.

Partant, les éléments constitutifs de l’escroquerie ne sont pas remplis. Le Tribunal fédéral admet le recours.

Note

Bien que cet arrêt porte sur la commande d’une imprimante non courante par une personne privée, le Tribunal fédéral semble exclure de manière plus générale l’escroquerie lors du non-paiement d’une chose commandée sur Internet. En effet, même s’il s’agit de l’achat d’une chose courante, comme des vêtements ou des denrées alimentaires, il n’est pas disproportionné pour le vendeur de vérifier la solvabilité d’un acheteur inconnu. A cet effet, il lui suffit d’exiger le paiement par carte de crédit ou par facture de l’objet acheté avant de le livrer. Ainsi, le vendeur qui prend le risque de livrer avant de recevoir le paiement ne devrait pas pouvoir se plaindre d’escroquerie.

Proposition de citation : Julien Francey, L’escroquerie lors d’une commande sur Internet, in : www.lawinside.ch/215/