L’avis aux débiteurs en cas d’enfant majeur (art. 291 CC)

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ATF 142 III 195 | TF, 04.03.2016, 5A_925/2015*

Faits

Le Président du Tribunal civil de la Sarine rend une décision d’avis aux débiteurs (art. 291 CC) dans laquelle il impose à l’employeur de verser directement une pension à la fille du travailleur par prélèvement sur son salaire. La décision d’avis aux débiteurs se fonde notamment sur une attestation d’inscription à l’université de la fille. Cette attestation a été communiquée au père en même temps que la décision.

Se plaignant de la violation du droit d’être entendu du fait que l’attestation lui a été communiquée en même temps que la décision (art. 29 Cst.), le père fait appel au Tribunal cantonal. Celui-ci admet une violation du droit d’être entendu, mais décide de ne pas annuler la décision, le recourant n’ayant pas démontré l’incidence du vice sur la décision d’avis aux débiteurs.

Le père forme un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral qui doit se déterminer sur la violation du droit d’être entendu et sur l’application de l’art. 291 CC à l’enfant majeur.

Droit

Le droit d’être entendu garantit notamment le droit pour une partie à un procès de prendre connaissance de toute pièce du dossier et de se déterminer à leur propos (art. 29 Cst. et 6 CEDH). Toute pièce nouvelle versée au dossier doit dès lors être communiquée aux parties pour leur permettre de s’exprimer.

En l’occurrence, le père doit contribuer à l’entretien de sa fille jusqu’à l’achèvement d’une formation adéquate (cf. art. 277 al. 2 CC). L’attestation d’inscription à l’université rend vraisemblable le fait que la fille n’a pas achevé sa formation. Cette circonstance permet à la fille de prétendre au versement d’une contribution et de requérir le prononcé d’avis aux débiteurs. Par conséquent, le père devait avoir la possibilité de s’exprimer sur cette attestation qui est une composante déterminante de la décision contestée. Ainsi, l’autorité de première instance a violé le droit d’être entendu du père en lui communiquant l’attestation en même temps que la notification de son jugement.

La violation du droit d’être entendu peut être réparée lorsque l’autorité de recours avec un plein pouvoir de cognition donne la possibilité à la partie lésée de s’exprimer.

En l’espèce, le père a eu la possibilité de s’exprimer librement sur l’attestation dans le cadre de son appel au Tribunal cantonal qui dispose d’un plein pouvoir d’examen (cf. art. 310 CPC). La violation du droit d’être entendu pouvait ainsi être réparée devant l’autorité d’appel. Selon le Tribunal fédéral, le recourant est malvenu de limiter sa contestation à la seule violation du droit d’être entendu, sans formuler d’observations sur la force probante de l’attestation ni sur les conditions de l’avis aux débiteurs. Ainsi, le père s’est en réalité abstenu d’exercer son droit d’être entendu en appel et le recours doit dès lors être rejeté sur ce point.

Dans un autre grief, le père soutient que l’art. 291 CC ne s’appliquerait pas à l’enfant majeur puisque cette disposition impose d’effectuer les paiements “entre les mains du représentant légal de l’enfant”. Le Tribunal fédéral ne suit pas cette argumentation en se fondant sur le sens et le but de la loi. À compter de sa majorité, il appartient à l’enfant d’agir personnellement en paiement de sa contribution d’entretien. Tel doit également être le cas en ce qui concerne la requête d’avis aux débiteurs (art. 291 CC). Ainsi, dès sa majorité, il appartient à l’enfant de requérir l’avis aux débiteurs.

Partant, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Tobias Sievert, L’avis aux débiteurs en cas d’enfant majeur (art. 291 CC), in : www.lawinside.ch/220/