L’octroi de l’assistance judiciaire sous réserve d’une cession de créance en faveur de l’Etat

Télécharger en PDF

ATF 142 III 131TF, 09.02.16, 4A_325/2015*

Faits

Un demandeur dépose une action en dommages-intérêts et requiert l’assistance judiciaire. Le tribunal d’arrondissement accorde l’assistance judiciaire, sous réserve que le demandeur signe une cession de créance en vertu de laquelle il cède à la caisse du tribunal son éventuelle créance résultant du procès contre le défendeur jusqu’à concurrence des frais couverts par l’assistance judiciaire. Le demandeur recourt contre cette décision au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit déterminer si un tribunal peut accorder l’assistance judiciaire sous réserve de la cession de l’éventuelle créance découlant du procès en cours afin de couvrir les frais d’assistance judiciaire.

Droit

Le Tribunal fédéral constate que le CPC ne prévoit pas la possibilité d’accorder l’assistance judiciaire sous réserve d’une cession de créance en faveur de l’Etat. Il examine alors si le CPC admet implicitement cette faculté. Le Tribunal fédéral relève à cet égard que les avis doctrinaux divergent. Il estime premièrement que cette cession de créance ne peut pas se fonder sur l’assistance judiciaire partielle (art. 118 al. 2 CPC), dès lors que la cession de créance ne modifie pas l’étendue des prestations de l’assistance judiciaire (exonération d’avance et de sûretés, exonération des frais de justice et commissions d’un avocat).

L’assistance judiciaire permet d’assurer l’accès à la justice à des personnes indigentes. Cependant, elle ne garantit pas un paiement définitif des frais du procès par l’Etat. Au contraire, le justiciable doit rembourser les frais couverts par l’assistance judiciaire dès qu’il est en mesure de le faire (art. 123 al. 1 CPC). En d’autres termes, l’Etat ne fait qu’avancer les frais judiciaires que la personne indigente doit rembourser dès que sa situation financière le permet. Le Tribunal fédéral déduit de ce but la légalité de la cession de créance. En effet, la cession de créance facilite l’exécution de la prétention de l’Etat en prévoyant déjà au moment de l’octroi de l’assistance judiciaire que l’Etat peut se retourner directement contre la partie adverse pour exiger le montant des frais de l’assistance judiciaire. La cession de créance n’entrave en rien l’accès à la justice.

En revanche, l’Etat doit respecter l’art. 123 al. 1 CPC et ne peut donc récupérer le montant des frais judiciaires chez la partie adverse au moyen de la cession de créance que si la situation financière de la personne au bénéfice de l’assistance judiciaire le permet. Il n’est toutefois pas nécessaire que cette réserve soit expressément mentionnée dans la convention de cession de créance, car elle découle directement de la loi.

Par conséquent, le CPC autorise l’octroi de l’assistance judiciaire sous réserve de la signature d’une cession de l’éventuelle créance résultant du procès en cours jusqu’à concurrence des frais effectifs de l’assistance judiciaire. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Julien Francey, L’octroi de l’assistance judiciaire sous réserve d’une cession de créance en faveur de l’Etat, in : www.lawinside.ch/221/