La notification d’une ordonnance pénale par courrier simple

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ATF 142 IV 125 –  TF, 20.04.2016, 6B_935/2015*

Faits

Par ordonnance pénale du 10 juin 2015, la Préfecture du district de Lausanne condamne un prévenu pour une infraction à la LCR. La Préfecture lui notifie l’ordonnance pénale par pli simple. Le 2 juillet 2015, le prévenu fait opposition à l’ordonnance pénale. Il informe avoir reçu l’ordonnance pénale le 23 juin 2015 et considère ainsi avoir agi dans le délai de 10 jours prévu par l’art. 354 al. 1 CPP. Le Tribunal de police rejette l’opposition pour tardiveté. Il considère que le prévenu a reçu l’acte au plus tard le 15 juin 2015, de sorte que son opposition du 2 juillet 2015 ne respecte pas le délai de 10 jours.

Le prévenu forme un recours en matière pénale auprès du Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur les conséquences de la notification par une autorité pénale d’un acte sous pli simple.

Droit

En vertu de l’art. 85 al. 2 CPP, les autorités pénales notifient leurs prononcés par lettre signature ou par tout autre mode de communication impliquant un accusé de réception, notamment par l’entremise de la police. Avec cette disposition, on veut s’assurer que le prévenu réceptionne effectivement l’acte avant de faire courir un éventuel délai.

Le Tribunal fédéral retient qu’en expédiant l’ordonnance pénale par pli simple, la Préfecture a procédé à une notification qui n’est pas conforme à l’art. 85 al. 2 CPP. Le CPP ne prévoit pas la conséquence de la violation de l’art. 85 al. 2 CPP. Le Tribunal fédéral rappelle le principe général, en vertu duquel le fardeau de la preuve de la notification d’un acte incombe à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique. L’autorité peut apporter la preuve en se fondant sur l’ensemble des circonstances du cas, notamment sur un échange ultérieur de correspondance ou sur le comportement du destinataire. L’autorité supporte les conséquences de l’absence de preuve d’une notification. Ainsi, si le destinataire conteste l’existence d’une notification ou sa date et qu’il existe effectivement un doute à ce sujet, on doit se fonder sur les déclarations du destinataire pour fixer la date de réception de l’acte.

Selon le Tribunal de police, la Préfecture a expédié l’acte le 10 juin, de sorte que le prévenu devrait l’avoir reçu au plus tard le 15 juin 2015. Le Tribunal fédéral rejette ce raisonnement. Il considère qu’on ne peut pas apporter la preuve de la notification d’un acte par la seule référence aux délais usuels d’acheminement des envois postaux. En effet, on ne peut pas exclure qu’une erreur ou un retard dans l’expédition ait lieu, bien que ces cas soient rares. Aussi, le Tribunal fédéral considère qu’il est pratiquement impossible d’apporter la preuve de la réception d’un acte envoyé sous pli simple. En l’espèce, il retient qu’aucun indice ne permet de retenir que le destinataire a reçu l’acte avant le 23 juin 2015. L’autorité n’a donc pas apporté la preuve de la notification. Conformément aux principes développés ci-dessus, on doit donc se fonder sur les déclarations du prévenu et retenir qu’il a reçu l’acte le 23 juin 2015, comme celui-ci le soutient. Son opposition du 2 juillet 2015 n’est donc pas tardive.

Le Tribunal fédéral admet ainsi le recours et renvoie l’affaire au Tribunal de police pour qu’il donne suite à l’opposition à l’ordonnance pénale.

Note

Le Tribunal fédéral a récemment développé sa jurisprudence sur l’opposition à l’ordonnance pénale à travers deux autres arrêts destinés à publication. Dans le premier arrêt (www.lawinside.ch/237/), le Tribunal fédéral a retenu que la fiction du retrait de l’opposition pour le cas où l’opposant fait défaut à une audition malgré citation (art. 355 al. 2 et 356 al. 4 CPP) suppose que le prévenu soit au courant des conséquences de son omission et renonce à ses droits en pleine connaissance de cause. Ainsi, on ne peut pas appliquer cette fiction lorsque le prévenu n’a pas retiré l’envoi de la citation à comparaître dans le délai de garde de 7 jours, dans la mesure où il n’a pas pris connaissance de la citation à comparaître. Dans le second arrêt (www.lawinside.ch/242/), le Tribunal fédéral a retenu que le Ministère public ne peut pas se prononcer sur la restitution du délai pour faire opposition tant que le tribunal compétent n’a pas retenu que l’opposition du prévenu était tardive.

La procédure d’ordonnance pénale suppose que le prévenu renonce à certains de ses droits de procédure. En matière d’ordonnance pénale, le Tribunal fédéral est particulièrement attentif à ce que le prévenu soit effectivement conscient des conséquences de ses actes. Il fait ainsi preuve d’une indulgence justifiée à l’égard du prévenu, indulgence qu’on ne retrouve pas dans une procédure ordinaire. Le Tribunal fédéral veut en tout temps s’assurer que le prévenu a la volonté de continuer la procédure d’ordonnance pénale.

Dans le cas d’espèce, les développements du Tribunal fédéral ne sont toutefois pas liés aux particularités de la procédure d’ordonnance pénale. Le principe selon lequel la preuve de la réception d’un acte appartient à l’autorité qui entend en tirer une conséquence juridique s’applique de manière générale à toute notification d’un acte par une autorité (judiciaire ou administrative).

Proposition de citation : Alborz Tolou, La notification d’une ordonnance pénale par courrier simple, in : www.lawinside.ch/243/

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