L’extradition d’un fonctionnaire de la FIFA

Télécharger en PDF

ATF 142 IV 250TF, 02.05.2016, 1C_143/2016*

Faits

Les autorités américaines soupçonnent un haut fonctionnaire de la FIFA originaire du Nicaragua d’avoir obtenu des pots-de-vin en échange de l’attribution des droits de commercialisation au Nicaragua, pays dont il est originaire, pour la Coupe du monde de football. Sur requête du Département de Justice américain, le fonctionnaire est arrêté en Suisse. Les Etats-Unis requièrent son extradition. Par la suite, les autorités du Nicaragua demandent à leur tour que le fonctionnaire de la FIFA concerné soit extradé vers leur pays.

L’Office fédéral de la justice autorise l’extradition en priorité vers les Etats-Unis, ainsi qu’une éventuelle extradition ultérieure des Etats-Unis vers le Nicaragua. Cette décision est confirmée par le Tribunal pénal fédéral. Le fonctionnaire recourt auprès du Tribunal fédéral, qui est ainsi appelé à se prononcer pour la première fois sur l’admissibilité de l’extradition de hauts fonctionnaires de la FIFA vers les Etats-Unis dans le cadre du scandale financier révélé en 2015.

Droit

L’extradition du recourant est soumise au (i) Traité d’extradition entre la Suisse et les Etats-Unis, (ii) à la Convention des Nations Unies contre la corruption, et (iii) si ces documents ne règlent pas exhaustivement le cas ou si le droit interne est plus favorable à l’extradition, à la Loi fédérale sur l’entraide pénale internationale (EIMP).

L’extradition suppose notamment une requête d’extradition d’un Etat ayant le droit de connaître de l’infraction (art. 32 EIMP). Le recourant considère que les autorités américaines ne sont pas compétentes pour connaître des agissements qui lui sont reprochés. Selon la jurisprudence, l’interprétation du droit de l’Etat requérant l’entraide pénale internationale incombe en premier lieu à ses propres autorités, de telle sorte que le juge de l’Etat requis ne peut refuser l’entraide que si les autorités étrangères sont manifestement incompétentes. En l’espèce, les pots-de-vin auraient été versés à une société américaine, les fonds auraient transité par les Etats-Unis, et le contrat relatif aux droits de commercialisation aurait été signé dans ce pays. Partant, les autorités américaines n’ont pas arbitrairement admis leur compétence. Les autres conditions de l’extradition vers les Etats-Unis, en particulier l’existence d’une infraction passible de plus d’une année de privation de liberté aux termes du droit suisse et américain, sont remplies (cf. art. 2 Traité d’extradition cum art. 4a et 23 al. 1 LCD s’agissant du droit suisse).

Il convient ensuite d’examiner si c’est à juste titre que les autorités précédentes ont autorisé l’extradition en priorité vers les Etats-Unis plutôt que vers le Nicaragua. En cas de concours de demandes d’extradition, l’art. 17 du Traité d’extradition prévoit que l’Etat requis statue en tenant compte de tous les éléments pertinents, soit en particulier la gravité relative des infractions, le lieu où elles ont été commises, les dates de réception des demandes d’extradition, la nationalité de la personne réclamée ainsi que la possibilité d’une extradition ultérieure à un autre Etat. Les autorités de l’Etat requis jouissent d’un large pouvoir d’appréciation à cet égard.

En l’espèce, l’infraction présente de multiples liens avec les Etats-Unis. Les autorités américaines enquêtent sur des agissements semblables d’autres fonctionnaires de la FIFA. L’extradition du recourant vers les Etats-Unis permettrait ainsi un jugement global et une égalité de traitement entre les différents suspects. De plus, le Nicaragua n’extrade pas ses ressortissants. Une extradition ultérieure du Nicaragua vers les Etats-Unis ne serait ainsi pas possible, tandis que l’inverse est envisageable. Enfin, les Etats-Unis ont demandé l’extradition avant le Nicaragua. La décision des instances précédentes d’autoriser l’extradition en priorité vers les Etats-Unis repose ainsi sur des motifs objectifs et pertinents.

Au regard de ce qui précède, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme l’autorisation d’extrader le fonctionnaire de la FIFA vers les Etats-Unis.

Note

Un recours au Tribunal fédéral contre une décision rendue en matière d’extradition n’est recevable que s’il concerne un cas particulièrement important (art. 84 LTF). Le Tribunal fédéral retient que le cas d’espèce est particulièrement important au sens de cette disposition. Selon le Tribunal fédéral, il s’inscrit en effet dans le cadre du vaste scandale financier qui a ébranlé la FIFA, soit la plus grande organisation sportive au monde. Plusieurs fonctionnaires de la FIFA ont en outre été arrêtés en Suisse. L’affaire connaît un grand retentissement médiatique. Enfin, les Etats-Unis portent une attention toute particulière à cette affaire, ce pourquoi les décisions judiciaires relatives à l’extradition des fonctionnaires de la FIFA concernés pourraient avoir des répercussions sur les relations entre la Suisse et les Etats-Unis.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, L’extradition d’un fonctionnaire de la FIFA, in : www.lawinside.ch/246/

1 réponse

Les commentaires sont fermés.