La restriction de la transparence pour des motifs de politique extérieure

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ATF 142 II 313TF, 18.05.2016, 1C_296/2015*

Faits

Un journaliste demande à l’Administration fédérale des contributions (AFC) de lui donner accès à la liste des demandes d’entraide en matière fiscale, classées par pays, ce qui l’AFC refuse. À l’issue d’une procédure de conciliation, le préposé fédéral à la protection des données et à la transparence recommande à l’AFC d’autoriser l’accès aux informations concernées, sous réserve d’une éventuelle information préalable des États concernés. L’AFC persiste néanmoins dans son refus, se contentant d’indiquer au journaliste quels sont les quatre pays ayant formulé le plus grand nombre de demandes d’entraide. Sur recours de l’intéressé, le TAF juge que la décision de l’AFC est justifiée par les intérêts nationaux.

Le Tribunal fédéral est appelé à préciser les conditions auxquelles l’administration peut, par exception au principe de la transparence, refuser l’accès à des informations au motif que l’accès à celles-ci risque de compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique internationale.

Droit

Selon le principe de la transparence (art. 6 Loi sur le principe de la transparence dans l’administration [LTrans]), toute personne a en principe le droit de consulter des documents officiels. Ce droit d’accès peut toutefois être limité ou refusé pour divers motifs énumérés à l’art. 7 LTrans, en particulier lorsque l’accès à un document officiel risque de compromettre les intérêts de la Suisse en matière de politique extérieure (art. 7 let. d LTrans).

Une telle mise en péril des intérêts nationaux existe notamment lorsque des États étrangers pourraient utiliser les documents concernés au détriment de la Suisse, ou lorsque la publication risque d’affaiblir la position helvétique dans des négociations internationales ou encore de péjorer les relations de la Suisse avec d’autres Etats.  Pour constituer un motif d’exception au principe de la transparence, le risque pour les intérêts de l’Etat helvétique doit être sérieux. Les autorités jouissent d’un large pouvoir d’appréciation dans la concrétisation de l’art. 7 let. d LTrans, dès lors que des considérations politiques jouent un rôle prépondérant. Leur décision doit toutefois rester raisonnable et objectivement justifiée.

En l’espèce, l’AFC justifie son refus d’autoriser l’accès à la liste des demandes d’entraide internationale en matière fiscale par le fait que cet accès pourrait mettre en péril les relations internationales de la Suisse. Sa prise en compte du présent contexte politique tendu en matière d’entraide fiscale internationale est admissible. C’est à bon droit que les instances précédentes retiennent que l’accès à une liste des demandes d’entraide en matière fiscale, informations que d’autres Etats pourraient souhaiter garder confidentielles, peut dans ce contexte compromettre la position suisse dans des négociations actuelles ou futures. La Suisse fait en particulier l’objet d’un examen par l’OCDE s’agissant de sa pratique en matière d’échange d’informations en matière fiscale. Vouloir éviter de péjorer la situation nationale dans ce contexte est objectivement justifié.

Il convient enfin de tenir compte du fait que l‘AFC a transmis certaines informations au recourant, lui indiquant quels pays avaient formulé le plus grand nombre de demandes d’entraide.

Au regard de ce qui précède, le refus de l’AFC de permettre l’accès à la liste des demandes d’entraide internationale en matière fiscale, classées par pays, ne viole pas le principe de la transparence (art. 6 LTrans), une restriction étant justifiée par les intérêts nationaux suisses (art. 7 let. d Trans). Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La restriction de la transparence pour des motifs de politique extérieure, in : www.lawinside.ch/264/

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