La consommation d’alcool après un accident de la circulation

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ATF 142 IV 324 | TF, 03.06.2016, 6B_756/2015*

Faits

Un conducteur heurte un sanglier avec sa voiture et fait un accident. Au lieu d’appeler immédiatement la police, il boit une bouteille de Carmol contenant 64 % d’alcool, ce qui fausse tout examen de son taux d’alcoolémie. Le tribunal de police le condamne à une peine pécuniaire pour entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR). Le Tribunal cantonal confirme le jugement et le conducteur recourt au Tribunal fédéral qui doit déterminer les conditions d’application de l’art. 91a al. 1 LCR dont la teneur a été modifiée en 2013.

Droit

Selon l’art. 91a al. 1 LCR, « est puni d’une peine privative de liberté de trois ans au plus ou d’une peine pécuniaire quiconque, en qualité de conducteur d’un véhicule automobile, s’oppose ou se dérobe intentionnellement à une prise de sang, à un contrôle au moyen de l’éthylomètre […], qui a été ordonné ou dont le conducteur devait supposer qu’il le serait, […] ou fait en sorte que des mesures de ce genre ne puissent atteindre leur but ».

La consommation d’alcool après un accident constitue une entrave si le conducteur pouvait objectivement s’attendre à une prise de sang et si l’alcool consommé a rendu impossible la constatation du taux d’alcool au moment de l’accident. Au niveau subjectif, cette infraction suppose que le conducteur ait eu conscience de la haute vraisemblance du contrôle et qu’il ait voulu entraver cette mesure.

L’art. 55 LCR permet, depuis 2005, de contrôler l’alcoolémie de chaque conducteur impliqué dans un accident. Contrairement à l’ancienne version de cet article, il n’est plus nécessaire que la police soupçonne une consommation d’alcool. Cette évolution législative implique que chaque conducteur doit généralement s’attendre, en cas d’accident, à un contrôle de son alcoolémie. La seule exception existe lorsque la cause de l’accident est manifestement imputable à un évènement totalement indépendant du conducteur.

En l’espèce, le Tribunal fédéral constate que le conducteur aurait pu avoir une part de responsabilité dans l’accident car il a heurté un sanglier de nuit sans l’avoir évité. Partant, le conducteur devait s’attendre à un contrôle de son taux d’alcool. En ayant bu une bouteille de Carmol, il a également rendu impossible la fixation de son alcoolémie au moment de l’accident, de sorte que toutes les conditions objectives et subjectives de l’infraction de la dérobade sont remplies.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Note

Au niveau administratif, l’art. 16c al. 1 lit. d LCR prévoit que l’entrave aux mesures de constatation de l’incapacité de conduire (art. 91a al. 1 LCR) constitue une infraction grave à la LCR, et l’assimile ainsi à la conduite avec un taux d’alcool supérieur à 0.8‰ (art. 16c al. 1 lit. b LCR). Partant, et en plus de la sanction pénale, l’autorité administrative devrait prononcer un retrait de permis d’une durée minimale de 3 mois, pour autant que le conducteur n’ait aucun antécédent (art. 16c al. 2 LCR).

Proposition de citation : Julien Francey, La consommation d’alcool après un accident de la circulation, in : www.lawinside.ch/269/