L’actio confessoria intenté par la communauté des propriétaires par étages

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ATF 142 III 551 | TF, 11.07.2016, 5A_898/2015*

Faits

Trois propriétaires d’appartements forment une propriété par étages. Une servitude inscrite en faveur du fond appartenant à la communauté des propriétaires limite à 5 mètres la hauteur maximale des arbres situés sur le fond adjacent. Sur action de la communauté des propriétaires par étages (actio confessoria), le propriétaire du fonds voisin est condamné à couper les arbres conformément à ce qui est prévu par la servitude. Son appel étant rejeté, le propriétaire du fonds voisin recourt au Tribunal fédéral qui doit se pencher sur la question de savoir si la communauté des propriétaires par étages jouit de la légitimation active pour demander en justice le respect du contenu de la servitude inscrite en faveur du fonds appartenant à l’ensemble des propriétaires (“Stammgrundstück”).

Droit

La valeur litigieuse n’étant pas atteinte, le recours en matière civile n’est ouvert qu’en présence d’une question juridique de principe (art. 74 al. 1 let. b et 74 al. 2 let. a LTF). Pour l’essentiel, le Tribunal fédéral considère que la jurisprudence relative à la légitimation active de la communauté des propriétaires par étages applicable à l’actio negatoria peut être transposée à l’actio confessoria, de sorte qu’il n’y a pas de question juridique de principe. Ainsi, seul le recours constitutionnel subsidiaire est recevable (art. 113 LTF).

Le recourant se prévaut d’une application arbitraire de l’art. 59 al. 2 let. c CPC, de l’art. 712l ainsi que des art. 730 et 737 CC. Il soutient que la communauté des propriétaires par étages ne jouit pas de la légitimation active pour demander en justice l’exécution de la servitude, cette dernière ne portant pas sur une partie commune de la propriété. Seuls les propriétaires étant bénéficiaires de la servitude devraient pouvoir agir.

La communauté des propriétaires par étages n’a pas la personnalité juridique, mais jouit de la capacité d’agir et d’être actionnée dans le cadre de son activité, qui consiste dans l’administration du bien (cf. art. 712l al. 2 CC). Dès lors que le bénéficiaire d’une servitude foncière est toujours le propriétaire actuel du fonds dominant (art. 730 al. 1 CC), la communauté des propriétaires n’est en tant que telle pas bénéficiaire de la servitude.

Cela n’implique pour autant pas que la légitimation active de la communauté fasse défaut. La communauté des propriétaires par étages jouit de la légitimation active dans le cadre de tous les actes d’administration (juridiques ou d’autre nature) visant le maintien, l’amélioration ou l’usage du bien. Il faut donc déterminer si la communauté qui agit en justice afin d’obtenir l’exécution d’une servitude agit ou non dans le cadre de l’administration commune du bien. L’administration commune au sens des art. 712g ss CC se caractérise par le fait qu’elle a lieu dans l’intérêt de tous les propriétaires. La question de savoir quels actes en lien avec les relations de voisinage rentrent dans l’administration commune est controversée. Lorsqu’elles visent une partie commune de la propriété, la doctrine reconnaît comme relevant de l’administration commune les actions qui tendent à protéger la propriété, les actions du droit du voisinage ou les actions possessoires ainsi que tout acte en lien avec une procédure de planification du territoire ou d’expropriation. En ce qui concerne une servitude en faveur du fond appartenant à l’ensemble des propriétaires (“Stammgrundstück”), elle est généralement exercée par les propriétaires pris individuellement. Néanmoins, le Tribunal fédéral considère qu’il faut analyser les circonstances du cas d’espèce et déterminer p. ex. si l’action porte sur la constitution d’une servitude, son exercice ou encore si elle vise à obtenir son exécution.

En l’espèce, le Tribunal fédéral retient que l’instance cantonale n’est pas tombée dans l’arbitraire en admettant la légitimation active de la communauté en application de la jurisprudence relative à l’actio negatoria. Tant dans le cadre de cette action que de l’actio confessoria la question qui se pose est la même, soit celle de savoir si le fait d’agir en justice pour faire valoir des droits découlant d’un droit réel tombe sous la notion d’administration commune ou non. En définitive, l’ensemble des propriétaires bénéficie de la limitation de la hauteur des arbres situés sur le fonds voisin, ce tant d’un point de vue subjectif (bien-être personnel dû au soleil, vue etc.) qu’en ce qui concerne la valeur du bien. La légitimation active de la communauté doit dès lors être admise.

Le Tribunal fédéral rejette enfin l’argument du recourant selon lequel les trois propriétaires auraient renoncé tacitement à la servitude en tolérant pendant des années des arbres bien plus hauts que 5 mètres sur le fonds voisin. Une servitude existe tant qu’elle n’est pas radiée du registre foncier (cf. art. 734 CC). Le fait de ne pas exercer un droit pendant longtemps ne peut conduire à sa renonciation implicite que lorsque les circonstances permettent de déduire de manière claire la volonté du bénéficiaire d’y renoncer. Tel n’est pas le cas en l’espèce, aucun élément ne permettant de retenir une volonté claire des trois propriétaires de renoncer à la servitude en faveur de leur fonds.

Le Tribunal fédéral confirme ainsi la légitimation active de la communauté des propriétaires par étages et écarte les autres griefs du recourant. Il rejette donc le recours.

Proposition de citation : Simone Schürch, L’actio confessoria intenté par la communauté des propriétaires par étages, in : www.lawinside.ch/297/