La preuve dans le contrôle spécial (CO 697b I)

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ATF 140 III 610

Faits

Deux actionnaires, détenant chacun 20 % de participations d’une SA, exercent une action auprès du Handelsgericht zurichois afin de désigner un contrôleur spécial au sens de l’art. 697b CO. Selon eux, lors de la dernière assemblée générale (AG), ils n’auraient pas reçu les informations demandées concernant une vente de participations exercée par la direction de la SA en violation de l’art. 717 al. 1 CO.

Le Handelsgericht admet l’action et nomme un contrôleur spécial. La SA exerce alors un recours en matière civile au Tribunal fédéral : le Handelsgericht aurait dû exiger que le degré de preuve soit celui de la certitude, et non celui de la simple vraisemblance afin de pouvoir admettre que les conditions de l’action étaient remplies.

Le Tribunal fédéral doit alors se prononcer sur les conditions du droit au contrôle spécial au sens de l’art. 697b CO et sur le degré de preuve à apporter par le demandeur sur les conditions d’un tel contrôle.

Droit

Afin de pouvoir demander l’instauration d’un contrôleur spécial, l’art. 697a al. 1 CO prévoit comme condition que l’actionnaire ait “déjà usé de son droit à être renseigné ou à consulter les pièces” conformément à l’art. 697 CO. Cette demande de renseignement et sa réponse doivent être inscrites dans le procès-verbal de l’AG (art. 702 al. 2 ch. 3 CO).

Le Tribunal fédéral rappelle ensuite que, selon la jurisprudence, une preuve est considérée comme établie lorsque le tribunal acquiert la certitude de la véracité de l’allégation des faits au point de n’éprouver plus aucun doute sérieux. Il existe deux exceptions à la règle de la preuve stricte : la simple vraisemblance et la vraisemblance prépondérante.

En l’espèce, le Handelsgericht a admis que l’exercice du droit à être renseigné avait été rendu vraisemblable. Le Tribunal fédéral constate cependant qu’il n’y a aucune base légale qui justifie d’appliquer le degré de preuve de la vraisemblance à la place de celui de la certitude.

Le Tribunal fédéral ajoute encore que, en l’espèce, la preuve stricte n’aurait pas pu être apportée. En effet, le Handelsgericht a présumé qu’il y avait eu une discussion lors de l’AG avant que les actionnaires demandent l’instauration d’un contrôle spécial. Or, si une telle demande avait eu lieu, elle aurait dû être inscrite dans le procès-verbal de l’AG, ce qui n’est pas le cas en l’espèce ; le Handelsgericht ne pouvait pas non plus présumer que le procès-verbal était incomplet. La preuve stricte de l’exercice préalable du droit aux renseignements n’a donc pas été apportée. Partant, le contrôle spécial ne peut pas être ordonné, faute de faire suite à une demande refusée de renseignements.

Le recours est ainsi accepté et la demande d’instauration d’un contrôle spécial est refusée.

Note : Casutt/Peyer remarquent que, à l’avenir, un actionnaire voulant faire une demande d’instauration d’un contrôle spécial devrait, avant de faire cette demande, utiliser son droit à consulter le procès-verbal, afin de vérifier que son action en demande de renseignements a bien été inscrite (art. 702 al. 3 CO ; GesKR 2015 p. 136 ss). Il est aussi intéressant de noter que l’avant-projet de la révision du droit de la SA (AP-CO) maintient l’exigence de l’exercice préalable du droit à être renseigné comme condition à l’obtention d’un contrôle spécial (art. 697c AP-CO).

Proposition de citation : Célian Hirsch, La preuve dans le contrôle spécial (CO 697b I), in : www.lawinside.ch/30/