Le droit à l’oralité des débats devant l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant

Télécharger en PDF

ATF 142 I 188TF, 02.06.2016, 5A_724/2015*

Faits

L’autorité de protection de l’enfant et de l’adulte retire à un couple la garde de leurs trois enfants et les place dans un foyer. Le tribunal administratif cantonal rejette le recours formé par les parents contre cette décision.

Se prévalant de l’art. 6 ch. 1 CEDH, les parents recourent au Tribunal fédéral. Ils reprochent aux instances précédentes d’avoir violé leur droit à un procès équitable notamment en les privant de leur droit  à la tenue d’une audience publique et à l’oralité des débats. Ils concluent donc à l’annulation de l’arrêt et au renvoi de la cause à l’instance précédente.

Sur la base de l’art. 6 ch. 1 CEDH, le Tribunal fédéral doit déterminer si en l’espèce les parents auraient dû bénéficier d’un droit à la tenue d’une audience publique et à l’oralité des débats.

Droit

Dans un premier temps, le Tribunal fédéral rappelle que l’art. 6 ch. 1 CEDH consacre explicitement un droit à la publicité des débats : « Toute personne a droit à ce que sa cause soit entendue équitablement, publiquement ».

Se fondant sur la jurisprudence de la Cour européenne des droits de l’homme, le Tribunal fédéral considère que le droit à la publicité des débats a pour but d’empêcher toute forme de justice secrète et de permettre un contrôle démocratique du travail des autorités. Il permet d’assurer la garantie à un procès équitable. Il en découle qu’en principe, les parties ont un droit à l’oralité des débats.

Cependant, le droit à la publicité des débats n’est pas absolu et peut être limité de deux manières. D’abord, les parties peuvent explicitement ou implicitement renoncer à leur droit à la publicité des débats. Ensuite, il existe une série d’exceptions qui ressortent en partie du texte de l’art. 6 ch. 1 CEDH. Ainsi, « l’accès de la salle d’audience peut être interdit à la presse et au public […] lorsque […] la protection de la vie privée des parties au procès l’exigent ».

Dans les affaires familiales qui opposent les membres d’une même famille, on doit considérer en principe que « la protection de la vie privée des parties au procès » justifie une restriction de la publicité des débats. En revanche, dans les affaires familiales dans lesquelles l’Etat intervient en tant que partie – affaires familiales au sens large – on ne saurait admettre une telle restriction sans autre forme d’analyse. Dans un tel cas, une restriction de la publicité des débats ne peut se justifier qu’en raison de circonstances particulières.

En l’espèce, l’Etat a retiré le droit de garde des parents et a placé les enfants en foyer. Il s’agit d’une affaire familiale au sens large pour laquelle une restriction de la publicité des débats ne se justifie qu’en cas de circonstances particulières. Celles-ci sont en l’occurrence réunies : les trois enfants présentent des déficiences considérables notamment des troubles de la santé et de leur développement. Ils ont en outre une mauvaise estime d’eux-mêmes. Leur état de santé justifie dès lors de les préserver d’une audience publique. Selon le Tribunal fédéral, refuser l’oralité des débats se justifie d’autant plus que la santé est une donnée sensible au sens de l’art. 3 let. c ch. 2 LPD. Le Tribunal fédéral considère dès lors que les instances précédentes ont respecté le droit des parents à la publicité des débats.

Dans un second temps, le Tribunal fédéral rappelle que les parties ne peuvent pas déduire de manière générale de l’art. 6 ch. 1 CEDH un droit à l’oralité des débats. En effet, le droit à un procès équitable ne consacre pas de façon abstraite (et donc indépendamment des circonstances) un droit à comparaître personnellement en procédure ou à s’exprimer oralement.

Le Tribunal fédéral considère cependant que lorsque les circonstances exigent que le tribunal se fasse une idée personnelle du litige, il découle du droit à un procès équitable une obligation des tribunaux d’entendre oralement et personnellement les parties. Il appartient alors aux parties d’exposer en quoi les circonstances exigent une connaissance personnelle du litige par le tribunal.

En l’espèce, la décision querellée de l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant vient ponctuer un processus de plusieurs années mené par les services sociaux et durant lequel les parents ont eu à maintes occasions l’opportunité de s’exprimer oralement et personnellement. Partant, le Tribunal fédéral considère qu’on ne saurait reprocher aux instances précédentes d’avoir violé le droit des parents à l’oralité des débats.

Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, Le droit à l’oralité des débats devant l’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant, in : www.lawinside.ch/301/