La décision au fond de l’autorité de conciliation (art. 212 CPC)

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ATF 142 III 638TF, 13.09.2016, 4A_105/2016*

Faits

Un créancier dépose une requête de conciliation contre son débiteur et conclut au paiement de 600 francs. À la fin de l’audience de conciliation, après avoir constaté qu’une solution amiable ne pouvait être trouvée, le créancier requiert que l’autorité de conciliation rende une décision au sens de l’art. 212 CPC. Celle-ci accède à cette requête et ordonne la tenue des “débats principaux” qui se tiennent directement après l’audience de conciliation. Au terme de ces “débats principaux”, les parties plaident la cause au fond.

Deux jours plus tard, l’autorité de conciliation soumet aux parties une proposition de jugement au sens de l’art. 210 CPC aux termes de laquelle elle admet la requête en paiement du créancier. Le débiteur s’oppose à la proposition de jugement si bien que le créancier se voit délivrer une autorisation de procéder.

Le Tribunal cantonal rejette l’appel du créancier dans lequel celui-ci conclut à l’annulation de l’autorisation de procéder et à l’admission (au fond) de sa requête initiale.

Saisi d’un recours, le Tribunal fédéral doit déterminer si l’autorité de conciliation est obligée de rendre une décision lorsqu’elle a “instruit” le dossier et que la valeur litigieuse ne dépasse pas 2’000 francs.

Droit

Après avoir qualifié cette problématique de question juridique de principe (art. 74 al. 2 let. a LTF), le Tribunal fédéral rappelle qu’aux termes de l’art. 212 CPC, l’autorité de conciliation peut, mais ne doit pas rendre une décision dans les litiges patrimoniaux dont la valeur litigieuse ne dépasse pas 2000 francs.

Selon le créancier, dans la mesure où l’autorité de conciliation a “instruit” l’affaire au fond (elle a en effet tenu des “débats principaux” qui ont été ponctués de “plaidoiries finales”), elle est tenue soit de rendre une décision finale (art. 236 CPC) soit de constater une transaction, un acquiescement ou un désistement d’action (art. 241 CPC).

Se fondant sur une interprétation littérale, systématique et téléologique de l’art. 212 CPC, le Tribunal fédéral rejette cette argumentation.

Selon le Tribunal fédéral, tant l’analyse littérale que l’analyse systématique ne permettent pas de déduire une telle contrainte pour l’autorité de conciliation. Les art. 208 à 212 CPC contiennent une énumération des possibilités offertes à l’autorité de conciliation pour mettre fin à la la procédure de conciliation (conciliation des parties ; autorisation de procéder ; proposition de jugement ; décision) sans qu’une préférence ne soit donnée à l’un de ces moyens. Lorsque l’autorité de conciliation ordonne une “procédure au fond”, elle ne fait que conduire le procès (art. 124 CPC) et n’influence en rien le sort de la cause ni ne préjuge l’issue de la procédure. Selon le Tribunal fédéral, l’autorité de conciliation peut en tout temps renoncer à cette “procédure au fond”.

Par ailleurs, le Tribunal fédéral considère que l’opinion du créancier ne se concilie pas avec une analyse téléologique de l’art. 212 CPC. Selon le Tribunal fédéral, en octroyant une compétence décisionnelle à l’autorité de conciliation, le législateur a repris une institution qui existait dans certains cantons et qui permettait aux autorités de conciliation de juger au fond des cas simples et à faible valeur litigieuse. Tel est le cas si la cause peut être gardée à juger déjà après la première audience. À l’inverse, une procédure probatoire coûteuse s’étendant sur plusieurs audiences ne saurait être administrée devant l’autorité de conciliation. Le Tribunal fédéral ajoute que, par sa nature informelle, l’audience de conciliation ne suffit parfois pas à établir d’emblée la complexité de l’affaire et qu’il peut arriver que les parties aillent jusqu’aux “plaidoiries finales” avant de réaliser que la cause nécessite une procédure probatoire plus longue.

En l’espèce, le fait que l’autorité de conciliation ait d’abord tenu une audience de conciliation puis les débats principaux pour enfin ordonner les plaidoiries finales ne l’empêchait pas de renoncer à rendre une décision au sens de l’art. 212 CPC. Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, La décision au fond de l’autorité de conciliation (art. 212 CPC), in : www.lawinside.ch/331/