Les critères déterminants pour décider de l’instauration d’une garde alternée

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ATF 142 III 617 | TF, 29.09.2016, 5A_904/2015*

Faits

Deux époux sont parents de deux enfants nés respectivement en 2009 et 2012. Ils se séparent au mois de janvier 2014, date à laquelle l’époux quitte le domicile conjugal. En juin 2014, l’époux saisit le Tribunal de première instance d’une requête en mesures protectrices de l’union conjugale, sollicitant notamment le prononcé de la garde alternée sur les enfants.

Par jugement du mois de juin 2015, le Tribunal instaure notamment entre les parents une garde alternée sur les enfants. Sur appel de l’épouse, l’autorité de deuxième instance attribue la garde sur les enfants à l’épouse et réserve à l’époux un droit de visite.

Saisi d’un recours de l’époux, le Tribunal fédéral est amené à trancher la question de savoir si les juges cantonaux ont fait preuve d’arbitraire en attribuant à l’épouse la garde sur les enfants.

Droit

Aux termes de l’art. 176 al. 3 CC, relatif à l’organisation de la vie séparée, lorsque les époux ont des enfants mineurs, le juge ordonne les mesures nécessaires d’après les dispositions sur les effets de la filiation (art. 273 ss CC). Cette réglementation porte notamment sur la garde de l’enfant, les relations personnelles, la participation de chaque parent à la prise en charge de l’enfant et la contribution d’entretien.

Le Tribunal fédéral rappelle que dans le nouveau droit, la notion de « droit de garde » – qui se définissait sous l’ancien droit comme la compétence de déterminer le lieu de résidence et le mode d’encadrement de l’enfant – a été remplacée par celle de « droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant », qui constitue une composante à part entière de l’autorité parentale (cf. art. 301a al. 1 CC). La notion même du droit de garde étant abandonnée au profit de celle du droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant, le générique de « garde » se réduit désormais à la seule dimension de la « garde de fait », qui se traduit par l’encadrement quotidien de l’enfant et par l’exercice des droits et des devoirs liés aux soins et à l’éducation courante.

Rappelant sa jurisprudence en la matière, le Tribunal fédéral considère ensuite que, bien que l’autorité parentale conjointe soit désormais la règle et qu’elle comprenne le droit de déterminer le lieu de résidence de l’enfant (art. 296 al. 2 et 301a al. 1 CC), elle n’implique pas nécessairement l’instauration d’une garde alternée. Le juge doit examiner d’office si une garde alternée est possible et compatible avec le bien de l’enfant.

Selon le Tribunal fédéral, la possibilité concrète d’instaurer une garde alternée et sa compatibilité avec le bien de l’enfant étant dépendante des circonstances du cas d’espèce, rien ne saurait être déduit des diverses études psychologiques ou psychiatriques en la matière se prononçant de manière absolue en faveur ou en défaveur de l’instauration d’un tel mode de garde. Le juge doit en effet évaluer, sur la base de la situation de fait actuelle ainsi que sur celle qui prévalait avant la séparation des parties, si l’instauration d’une garde alternée est effectivement à même de préserver le bien de l’enfant.

Le Tribunal fédéral énumère les critères entrant en ligne de compte pour cet examen. Le premier critère est la capacité éducative de chacun des parents. Selon le Tribunal fédéral, il s’agit d’une prémisse nécessaire à l’instauration d’une garde alternée. Les autres critères sont en revanche interdépendants et leur importance varie en fonction des circonstances du cas d’espèce. Le Tribunal fédéral énonce la bonne capacité et volonté des parents de communiquer et coopérer, la situation géographique et la distance séparant les logements des deux parents, la stabilité qu’apporte à l’enfant le maintien de la situation antérieure, la possibilité pour les parents de s’occuper personnellement de l’enfant, l’âge de ce dernier ainsi que son appartenance à une fratrie ou à un cercle social, le souhait de l’enfant s’agissant de sa propre prise en charge, quand bien même il ne disposerait pas de la capacité de discernement à cet égard.

Si le juge arrive à la conclusion qu’une garde alternée n’est pas dans l’intérêt de l’enfant, il devra alors déterminer auquel des deux parents il attribue la garde. Il tiendra compte des mêmes critères d’évaluation et en appréciant, en sus, la capacité de chaque parent à favoriser les contacts entre l’enfant et l’autre parent. Le juge dispose d’un large pouvoir d’appréciation si bien que le Tribunal fédéral n’intervient qu’en cas d’arbitraire.

En l’espèce, le Tribunal fédéral estime que l’époux n’est pas parvenu à démontrer que la cour cantonale avait appliqué arbitrairement l’art. 176 al. 3 CC en attribuant la garde des enfants exclusivement à l’épouse si bien que son recours doit être rejeté.

Note

Cet arrêt est daté du 29 septembre 2016. Le même jour, le Tribunal fédéral a rendu un arrêt semblable en allemand faisant suite à un recours contre une décision de l’instance cantonale de Thurgovie (TF, 29.09.2016, 5A_991/2015*). Le Tribunal fédéral expose au considérant 4 de cet arrêt exactement les mêmes critères que ceux développés ci-dessus. La jurisprudence fédérale en matière de critères déterminants pour décider de l’instauration d’une garde alternée est renforcée par ces deux nouvelles décisions.

Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, Les critères déterminants pour décider de l’instauration d’une garde alternée, in : www.lawinside.ch/339/

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