La composition de la chambre des notaires dans une procédure de modération d’honoraires

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ATF 142 I 172 | TF, 29.09.2016, 2C_222/2016*

Faits

Une société anonyme conteste la note d’honoraires de son notaire et dépose une demande de modération devant la Chambre des notaires du canton de Vaud. La Chambre statue par le biais de la présidente et de deux notaires délégués, soit par délégation et non dans sa composition ordinaire. Elle confirme la note d’honoraires. Contre cette décision, la société forme un recours devant le Tribunal cantonal et considère que la Chambre a statué selon une composition irrégulière. Le Tribunal cantonal confirme la décision de la Chambre.

La société forme ainsi un recours en matière civile devant le Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur la question de savoir si la Chambre des notaires pouvait valablement statuer par délégation et non dans sa composition ordinaire.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle que la procédure de modération des honoraires d’un notaire constitue une cause de nature de droit public, lorsque, comme en l’espèce, les honoraires se rapportent à l’activité ministérielle du notaire, soit celle qu’il effectue en qualité d’officier public. Il considère ainsi que ce n’est pas le recours en matière de droit civil, mais bien le recours en matière de droit public qui est ouvert contre une décision dans une procédure de modération d’honoraires. Il considère toutefois que le recours en l’espèce est recevable, dès lors qu’il remplit les conditions formelles de recevabilité du recours en matière de droit public. À cet égard, le fait que le recours fasse mention du “recours en matière de droit civil” n’est pas pertinent.

Le Tribunal fédéral rappelle que les garanties procédurales de l’art. 30 al. 1 Cst, soulevé par le recourant, ne s’appliquent pas au cas d’espèce, dès lors que ces garanties ne s’appliquent qu’aux procédures judiciaires. Or, la procédure de modération d’honoraires n’est pas une procédure judiciaire, mais une procédure administrative. En revanche, l’art. 29 al. 1 Cst, qui prévoit des garanties générales de procédure, s’applique à tout type de procédures. Le Tribunal fédéral accepte d’analyser l’art. 29 al. 1 Cst, alors même que le recourant ne l’a pas soulevé (cf. pourtant art. 106 al. 2 Cst), afin de ne pas tomber dans le formalisme excessif.

Le Tribunal fédéral rappelle que l’art. 29 al. 1 Cst consacre un droit à ce qu’une autorité administrative qui statue le fasse dans une composition correcte et impartiale. Une autorité administrative est valablement constituée lorsqu’elle siège dans une composition qui correspond à ce que le droit d’organisation ou de procédure prévoit. Si une autorité statue dans une composition irrégulière, elle commet un déni de justice formel qui conduit automatiquement à l’annulation de la décision, sans possibilité de guérison, quelles que soient les chances de succès du recours sur le fond.

Le Tribunal fédéral rappelle que lorsque la composition d’une autorité relève du droit cantonal, son pouvoir de cognition est limité à l’arbitraire. En revanche, il revoit avec un plein pouvoir de cognition la question de savoir si la composition correcte tel que prévu par le droit cantonal est compatible avec l’art. 29 al. 1 Cst. Cela signifie que, dans un premier temps, le Tribunal fédéral doit analyser si, dans le cas concret, la composition de l’autorité ne viole pas de manière arbitraire le droit cantonal. Si tel n’est pas le cas, le Tribunal fédéral analyse, dans un second temps, si la composition ordinaire prévue par le droit cantonal est compatible avec l’art. 29 al. 1 Cst.

En l’espèce, la Chambre des notaires a statué par délégation avec trois membres en se fondant sur l’art. 37 al. 2 du règlement RLNo/VD, selon lequel la Chambre des notaires peut déléguer ses compétences. Cette disposition a son fondement dans l’art. 97 al. 1 de la loi LNo/VD, selon lequel les autorités peuvent, par délégation, entendre des témoins ou saisir des documents à titre probatoire ou conservatoire. Dans les autres cas de figure, la loi prévoit que l’autorité doit statuer avec cinq membres. La loi vaudoise ne prévoit aucun autre cas de figure où l’autorité pourrait agir par délégation.

Ainsi, en jugeant que la loi vaudoise instaurait une base légale suffisante pour prévoir, par règlement, qu’une autorité pouvait agir par délégation avec une composition inférieure à la composition ordinaire dans une procédure de modération d’honoraires, le Tribunal cantonal a fait preuve d’arbitraire. Dans ce cas, il n’est pas nécessaire d’analyser si l’art. 29 al. 1 Cst a été en plus violé.

Le Tribunal fédéral admet ainsi le recours.

Proposition de citation : Alborz Tolou, La composition de la chambre des notaires dans une procédure de modération d’honoraires, in : www.lawinside.ch/360/