Le délai pour intenter l’action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP)

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ATF 143 III 38 | TF, 14.12.2016, 4A_139/2016*

Faits

Un créancier obtient le prononcé de la mainlevée provisoire de l’opposition formée par son débiteur. Le jugement  de mainlevée est notifié au débiteur le 9 décembre 2014. Le débiteur dépose une action en libération de dette le 8 janvier 2015. Le créancier fait valoir l’exception de tardiveté de l’action, ce que le tribunal rejette par décision incidente. Le créancier fait alors appel de ce jugement et obtient gain de cause. L’action en libération de dette du débiteur est donc déclarée irrecevable, car tardive.

Saisi d’un recours en matière civile du débiteur, le Tribunal fédéral doit trancher deux questions, à savoir : (isi le dies a quo du délai de 20 jours pour le dépôt de l’action en libération de dette est le jour de la notification de la décision de mainlevée provisoire de l’opposition ou le lendemain de l’expiration du délai de recours contre celle-ci ; (ii) si les féries judiciaires de l’art. 145 al. 1 CPC (de Noël en l’espèce) ou bien les féries et périodes de suspension prévues par la LP (art. 56 et 63 LP) s’appliquent au délai pour intenter l’action en libération de dette suite au prononcé de la mainlevée provisoire.

Droit

Aux termes de l’art. 83 al. 2 LP, le débiteur peut, dans les 20 jours à compter de la décision de mainlevée provisoire, intenter au for de la poursuite une action en libération de dette. L’article précise que le procès est instruit en la forme ordinaire.

Concernant la première question à trancher, dans une ancienne jurisprudence (ATF 104 II 141) le Tribunal fédéral avait retenu que l’expiration du délai pour attaquer le jugement de mainlevée provisoire n’avait d’effet sur la computation du délai pour intenter l’action en libération de dette que si le moyen de droit à intenter contre le jugement de mainlevée était un moyen de droit ordinaire. Or, depuis l’introduction du CPC, un jugement de mainlevée provisoire de l’opposition ne peut faire l’objet que d’un recours (art. 309 let. b ch. 3 CPC), soit un moyen de droit extraordinaire, si bien que l’application de cette jurisprudence est exclue en l’espèce. Le recours n’a par ailleurs pas d’effet suspensif ; ainsi, une jurisprudence postérieure (ATF 124 III 34), qui avait assimilé un moyen de droit (extraordinaire) pourvu d’effet suspensif à un moyen de droit ordinaire, ne saurait s’appliquer non plus. Enfin, le débiteur n’a pas interjeté recours contre le jugement de mainlevée ; s’il l’avait fait, et pour autant que l’effet suspensif aurait été octroyé au recours, le délai de 20 jours  de l’action en libération de dette n’aurait commencé à courir qu’au moment de la notification de la décision sur recours (cf. ATF 127 III 569).

Ainsi, le dies a quo du délai de 20 jours pour intenter l’action en libération de dette est le jour de la notification du jugement de mainlevée, et non pas le lendemain de l’expiration du délai de recours contre ce jugement.

S’agissant de la deuxième question, le Tribunal fédéral constate que ni la doctrine ni les travaux préparatoires ne permettent de parvenir à une solution univoque.

Il est rappelé que l’art. 31 LP dispose que sauf disposition contraire de cette loi, les règles sur la computation des délais du CPC s’appliquent.  L’art. 145 al. 4 CPC réserve quant à lui les dispositions de la LP sur les féries et la suspension des poursuites.

Le Tribunal fédéral a déjà eu l’occasion de préciser que le renvoi de l’art. 83 al. 2 LP à la procédure ordinaire ne se réfère qu’à la procédure suivant le dépôt de l’action, de sorte que la computation des délais est exclue de ce renvoi. Il a également été retenu qu’une décision de mainlevée provisoire constitue un acte de poursuite, et que si le délai de recours contre une décision de mainlevée expire pendant les féries, l’art. 63 LP s’applique, tant le délai de recours que le délai pour intenter l’action en libération de dette étant ainsi reportés jusqu’au troisième jour utile (ATF 115 III 91). Au vu de cette jurisprudence, et en particulier de la qualification de la décision de mainlevée en tant qu’acte de poursuite, les féries et périodes de suspension de la LP, et non du CPC, s’appliquent au délai de 20 jours de l’action en libération de dette. Partant, dans la mesure où en l’espèce le délai pour déposer l’action en libération de dette n’était pas suspendu entre le 18 décembre 2014 et le 2 janvier 2015 (cf. art. 145 al. 1 let. c CPC), l’action du débiteur était tardive.

Constatant le bien-fondé du jugement cantonal, le Tribunal fédéral rejette le recours et confirme la tardiveté de l’action en libération de dette du débiteur.

Proposition de citation : Simone Schürch, Le délai pour intenter l’action en libération de dette (art. 83 al. 2 LP), in : www.lawinside.ch/366/