L’interruption du délai de prescription en droit pénal des mineurs

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ATF 143 IV 49 | TF, 03.01.17, 6B_646/2016*

Faits

Un mineur commet plusieurs abus sexuels sur une fille de 17 ans en 2005 notamment. En 2008, le tribunal d’arrondissement condamne le prévenu à une peine privative de liberté de 3.5 ans. Il s’ensuit 3 recours en matière pénale devant le Tribunal fédéral. En 2015, le Tribunal cantonal retient en substance que le prévenu a commis plusieurs actes sexuels en 2005. Le prévenu saisit une nouvelle fois le Tribunal fédéral en invoquant la prescription de 5 ans prévue par l’art. 36 al. 1 lit. a DPMin. En effet, l’art. 1 al. 2 lit. j DPMin renvoie à l’art. 98, 99 al. 2, 100 et 101 al. 1 CP, mais non à l’art. 97 al. 3 CP qui prévoit l’interruption de la prescription de l’action pénale lors du prononcé d’un jugement de première instance. Le Tribunal fédéral doit dès lors se déterminer sur l’interruption de la prescription en droit pénal des mineurs.

Droit

Après avoir rappelé les règles d’interprétation de la loi, le Tribunal fédéral constate que dans un arrêt non publié (TF, 07.10.09, 6B_771/2009), il  avait conclu que l’interruption de la prescription de l’art. 97 al. 3 CP ne s’applique pas en droit pénal des mineurs. Il relève cependant que cet arrêt n’avait pas examiné en détail cette question. Le Tribunal fédéral constate ensuite que la doctrine majoritaire considère qu’en l’absence de renvoi à l’art. 97 al. 3 CP par le DPMin, la prescription n’est pas interrompue par le prononcé du jugement de première instance. Seul un auteur soutient une interprétation contra legem de la loi en invoquant les délais courts de prescription prévus par le droit pénal des mineurs.

Le Tribunal fédéral constate qu’il existe une lacune proprement dite du DPMin, car celui-ci ne traite pas de la question de l’interruption des délais de prescription. Le Tribunal fédéral précise que cette lacune ne constitue pas un silence qualifié de la loi. Si les délais de prescription n’étaient pas interrompus notamment par un jugement de première instance, ils ne seraient arrêtés que par un jugement définitif, ce qui ne reflète pas la volonté du législateur.

Le principe de célérité joue certes un rôle important dans le droit pénal des mineurs. En revanche, cela ne signifie pas que les autorités pénales doivent toujours agir rapidement. Au contraire, elles doivent parfois ordonner des observations ambulatoires ou institutionnelles ou des expertises médicales (art. 9 DPMin). Or, en ne prévoyant pas d’interruption de la prescription, le prévenu serait encouragé à retarder le déroulement de la procédure pour échapper à toute condamnation. Un tel résultat ne correspond pas à la volonté du législateur.

Le Tribunal fédéral comble cette lacune de la loi en appliquant par analogie l’art. 97 al. 3 CP en vertu duquel la prescription est interrompue lors du prononcé du jugement de première instance. Cette règle claire contribue à la sécurité du droit et à l’égalité de traitement dans la mesure où les condamnés qui renoncent à recourir contre le jugement de première instance ne sont pas désavantagés par rapport à ceux qui saisissent les instances supérieures.

En l’espèce, la prescription qui a commencé à courir en 2005 a été interrompue par le jugement de première instance rendu en 2008. Par conséquent, le Tribunal fédéral rejette le recours du prévenu.

Proposition de citation : Julien Francey, L’interruption du délai de prescription en droit pénal des mineurs, in : www.lawinside.ch/378/