Les voies de droit en matière de PLAFA et le procès équitable

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ATF 142 III 732 | TF, 17.11.2016, 5A_738/2016*

Faits

La recourante est placée à des fins d’assistance dans une clinique psychiatrique thurgovienne. L’autorité cantonale de protection de l’adulte et de l’enfant prolonge le placement à des fins d’assistance le 2 juin 2016 et délègue à la clinique la compétence de libérer la recourante. Au mois d’août 2016, la clinique refuse une requête de libération. Le recours formé à l’encontre de cette décision est rejeté par l’autorité cantonale de protection de l’adulte et de l’enfant, puis par le tribunal cantonal.

Dans ce contexte, le Tribunal fédéral doit déterminer si le système de recours mis en place en Thurgovie en matière de placement à des fins d’assistance est compatible avec la garantie constitutionnelle et conventionnelle d’un procès équitable.

Droit

Le placement à des fins d’assistance (« PLAFA ») est régi par les art. 426 ss CC. Aux termes de l’art. 428 CC, l’autorité de protection de l’adulte est compétente pour ordonner le placement d’une personne ou sa libération. Elle peut, dans des cas particuliers, déléguer à l’institution sa compétence de libérer la personne concernée. En cas de refus de la libération par l’institution, la personne concernée peut en appeler au juge  (art. 439 al. 1 ch. 2 CC).

Selon la jurisprudence (p. ex. ATF 139 III 98), l’art. 439 CC exige qu’au moins un tribunal se prononce sur la libération du PLAFA. Les cantons peuvent instituer un double degré de juridiction, mais n’y sont pas tenus. En revanche, un système dans lequel il appartient à une autorité administrative de se prononcer avant un recours judiciaire n’est pas compatible avec le droit fédéral.

Dans le canton de Thurgovie, lorsque l’autorité de protection se prononce sur la libération de la personne concernée par le placement (art. 428 al. 1 CC), le tribunal cantonal connaît du recours comme instance unique. Par opposition, lorsque la compétence de libérer la personne a été déléguée à l’institution (art. 428 al. 2 CC), le recours  de l’art. 439 CC s’exerce dans un premier temps devant l’autorité de protection, puis devant le tribunal cantonal. Il sied d’examiner si ce système est conforme aux exigences du droit fédéral et à la garantie d’un procès équitable.

L’autorité de protection de l’adulte et de l’enfant thurgovienne n’est certes pas un tribunal au sens formel du terme. Cela étant, les art. 6 par. 1 CEDH, 30 al. 1 Cst. féd et art. 439 CC n’exigent qu’un tribunal au sens matériel du terme, soit une autorité qui présente des garanties suffisantes d’indépendance et d’impartialité, applique le droit d’office et prenne des décisions contraignantes à l’issue d’une procédure équitable. Les membres de l’autorité de protection thurgovienne sont nommés par le Conseil d’Etat. Selon la jurisprudence de la CourEDH (p. ex. affaire Belilos c. Suisse), cette seule circonstance ne suffit toutefois pas pour nier le caractère indépendant de l’autorité. On relèvera dans ce contexte que les membres de l’autorité de protection thurgovienne sont élus pour une durée fixe de quatre ans et que le tribunal cantonal, et non le Conseil d’Etat, exerce la surveillance à son égard. Au surplus, la procédure devant l’autorité thurgovienne de protection, régie notamment par les art. 446 ss CC, doit être qualifiée d’équitable. En particulier, l’autorité applique le droit d’office (art. 446 al. 4 CC). Au regard de ce qui précède, l’autorité de protection thurgovienne doit être considérée comme un tribunal au sens matériel du terme. Partant, le système de recours thurgovien en matière de PLAFA est conforme au droit fédéral et constitutionnel, en particulier aux garanties du procès équitable.

Le second grief de la recourante a trait à ce que l’autorité de protection ait dans un premier temps prolongé le PLAFA et délégué à la clinique la compétence de connaître des requêtes de libération (art. 428 CC), puis ait eu à connaître du recours contre le refus de la clinique de libérer la recourante (art. 439 al. 1 ch. 3 CC). L’autorité a statué dans la même composition en ces deux occasions et ne présenterait dès lors pas les garanties nécessaires d’indépendance et d’impartialité. L’autorité s’est cependant prononcée sur deux états de faits différents, soit celui prévalant le 2 juin 2016 s’agissant de la prolongation du PLAFA, puis celui prévalant au mois d’août 2016 s’agissant du refus de la libération. En l’absence d’indices concrets de partialité, le simple fait que la même autorité, siégeant dans une composition identique, ait connu en deux occurrences distinctes d’une même cause ne saurait créer une apparence de prévention (en ce sens, voir aussi l’arrêt du TF, 1B_409/2016*www.lawinside.ch/392/). Le recours est ainsi mal fondé sur ce point également.

Partant, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, Les voies de droit en matière de PLAFA et le procès équitable, in : www.lawinside.ch/396/