La libération de l’exécution anticipée de la peine (art. 236 CPP)

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ATF 143 IV 160TF, 16.02.17, 6B_73/2017*

Faits

Un prévenu se trouve en exécution anticipée de sa peine. En août 2016, l’autorité d’appel le condamne à 4,5 ans de prison ferme et ordonne une mesure ambulatoire. Le ministère public recourt contre la mesure ambulatoire et sollicite une mesure institutionnelle. En octobre et novembre 2016, le prévenu demande sa sortie du régime de l’exécution anticipée. En décembre 2016, la direction de la procédure du tribunal cantonal rejette ses demandes de libération. Le prévenu saisit le Tribunal fédéral qui doit clarifier les conditions pour mettre un terme à l’exécution anticipée de la peine.

Droit

L’exécution anticipée de la peine (art. 236 CPP) constitue une mesure de contrainte pénale et nécessite une base légale. La détention provisoire et pour des motifs de sûreté requiert de forts soupçons et une des raisons énumérées à l’art. 221 CPP. Le consentement du prévenu ne modifie pas ce régime qui permet une détention avant jugement ; il permet uniquement d’éviter la procédure formelle prévue à l’art. 224 ss CPP.

Dans une jurisprudence antérieure (ATF 104 Ib 24), le Tribunal fédéral avait considéré que le consentement à l’exécution anticipée de la peine était irrévocable. Par la suite (ATF 117 Ia 72), il a par contre estimé que le prévenu pouvait en tout temps révoquer son consentement et demander sa libération. Le Tribunal confirme cette jurisprudence et précise que le maintien de la privation de liberté ne peut intervenir que si les conditions de la détention provisoire ou pour des motifs de sûreté sont remplies. En retirant son consentement, le prévenu ne conteste pas seulement les conditions matérielles de la privation de liberté mais indique également qu’il ne veut plus renoncer aux garanties formelles de la détention avant jugement. L’autorité chargée de statuer doit ainsi libérer le prévenu ou prendre une décision formelle de mise en détention avant jugement.

S’agissant de l’autorité compétente pour traiter la demande de libération, le Tribunal fédéral relève que l’autorité d’exécution des peines n’a pas encore pris de décision (cf. art. 439 CPP), de sorte que c’est le Tribunal cantonal qui est compétent (art. 233 CPP). Le fait que le ministère public ait attaqué le jugement devant le Tribunal fédéral ne change pas cette compétence.

L’art. 233 CPP exige que l’autorité chargée de statuer sur la demande de libération le fasse dans les 5 jours. Ce délai s’applique également pour les demandes de libération du régime de l’exécution anticipée de la peine en tant que concrétisation du principe de célérité. En prenant sa décision uniquement en décembre 2016, soit 2 mois après la première demande de libération, le Tribunal cantonal a manifestement violé le principe de célérité.

Après avoir passé en revue les conditions d’une détention pour des motifs de sûreté, le Tribunal fédéral constate qu’elles n’existent pas. Il conclut ainsi que le Tribunal cantonal a enfreint le droit en ordonnant le maintien du prévenu en détention.

Le Tribunal fédéral admet ainsi le recours et ordonne la libération du prévenu dans les 5 jours suivant la notification du jugement.

Proposition de citation : Julien Francey, La libération de l’exécution anticipée de la peine (art. 236 CPP), in : www.lawinside.ch/401/