La révision pour des faits survenus en appel

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ATF 143 III 272TF, 02.05.2017, 4A_511/2016*

Faits

Un bailleur met fin à un contrat de bail de locaux commerciaux en respectant le délai de résiliation ordinaire, indiquant vouloir récupérer les locaux pour son usage personnel. Le locataire conteste le congé devant le Tribunal des baux et loyers du canton de Genève et le bailleur précise qu’il souhaite modifier l’affectation des locaux afin d’y développer une école de danse. Débouté, le locataire interjette appel à la Chambre des baux et loyers de la Cour de justice, qui garde la cause à juger.

Quelques mois plus tard, le bailleur informe le locataire par message du fait qu’il a reçu des propositions d’achat de son immeuble. Dans un second message, le bailleur affirme au locataire qu’il compte faire don de l’immeuble à ses enfants, tout en lui proposant un nouveau bail.

La Cour finit par rejeter l’appel du locataire. Ce dernier, se référant aux messages reçus du bailleur, requiert de la Cour la révision de son arrêt. La demande est néanmoins déclarée irrecevable et l’affaire portée devant le Tribunal fédéral, qui doit déterminer si les faits nouveaux invoqués peuvent donner lieu à une révision au sens de l’art. 328 al. 1 let. a CPC.

Droit

A teneur de l’art. 328 al. 1 let. a CPC, une partie peut demander la révision d’une décision entrée en force au tribunal qui a statué en dernière instance lorsque des faits sont découverts postérieurement et n’ont pas pu être invoqués dans la procédure précédente.

La révision pour ce motif suppose ainsi la réalisation des conditions suivantes : (1) le requérant invoque un ou des faits  ; (2) ces faits sont pertinents, soit de nature à modifier l’état de fait à la base du jugement et à conduire à un jugement différent ; (3) ces faits existaient déjà lorsque le jugement a été rendu, il s’agit donc de pseudo-nova, soit des faits antérieurs au jugement, et non de faits qui se sont produits après ce moment, soit des vrais faits nouveaux ou vrais novas ; (4) ces faits ont été découverts « après coup » (« nachträglich » / « successivamente ») soit postérieurement au jugement ou, plus précisément, après l’ultime moment auquel ils pouvaient encore être utilement invoqués dans la procédure principale ; et (5) le requérant n’a pas pu, malgré toute sa diligence, invoquer ces faits dans la procédure précédente.

En ce qui concerne la troisième condition, le Tribunal fédéral rappelle que le moment décisif pour qualifier un fait d’antérieur ou de postérieur n’est pas exactement celui du jugement, mais le dernier moment auquel ce fait pouvait encore être introduit dans la procédure principale. En seconde instance, ce moment se détermine d’après l’art. 317 al. 1 CPC. Selon la jurisprudence, les novas doivent, en règle générale, être introduits dans le cadre du premier échange d’écritures. Ils peuvent l’être exceptionnellement à un stade ultérieur, aux conditions de l’art. 317 al. 1 CPC. En revanche, à partir du début des délibérations, les parties ne peuvent plus introduire de nova, même si les conditions de l’art. 317 al. 1 CPC sont réunies. La phase des délibérations débute dès la clôture des débats, s’il y en a eu, respectivement dès que l’autorité d’appel rend une décision par laquelle elle renonce à un second échange d’écritures et à des débats.

Il s’ensuit que sont des faits antérieurs (pseudo-nova) les faits qui existaient déjà au moment du début des délibérations de la Cour d’appel, en particulier au moment où celle-ci a gardé la cause à juger. Sont des faits postérieurs (vrais novas) les faits qui se sont produits après ce moment-là.

En l’espèce, les messages en cause ont été envoyés après que la cause a été gardée à juger, c’est-à-dire après le début des délibérations en appel. Le locataire invoque ainsi des vrais novas et, par conséquent, les conditions de l’art. 328 al. 1 let. a CPC ne sont pas remplies, de sorte que la révision de l’arrêt de la Cour ne pouvait pas être requise. 

Au vu de ce qui précède, le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Marie-Hélène Peter-Spiess, La révision pour des faits survenus en appel, in : www.lawinside.ch/442/