La garantie de citation régulière (art. 27 al. 2 let. a LDIP)

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ATF 143 III 225 | TF, 30.03.2017, 5A_889/2016*

Faits

Une société sise en Arabie saoudite forme devant le Tribunal de première instance de Dubaï une demande en paiement de CHF 150’000.- contre une société dont le siège est à Zoug en Suisse.

Le Tribunal dubaïote notifie les pièces du dossier à la défenderesse en Suisse et requiert de cette dernière qu’elle en accuse réception, ce à quoi la société ne donne pas suite. Un jugement par défaut est rendu par le Tribunal dubaïote, qui condamne la défenderesse à verser à la demanderesse le montant réclamé.

Sur requête de la demanderesse, le Tribunal de première instance de Zoug déclare le jugement dubaïote exécutoire en Suisse. Sur recours de la défenderesse, le Tribunal cantonal zougois refuse la reconnaissance du jugement dubaïote. Le Tribunal cantonal considère que la défenderesse n’a pas été citée régulièrement, car elle ne se serait pas vue communiquer par le Tribunal dubaïote une citation à comparaître ou un délai pour répondre à la demande en paiement (art. 27 al. 2 let. a LDIP).

La demanderesse forme un recours en matière civil au Tribunal fédéral qui doit déterminer si la défenderesse a été citée régulièrement dans la procédure judiciaire à Dubaï, respectivement si le jugement dubaïote doit être reconnu en Suisse (art. 27 al. 2 let. a LDIP).

Droit

L’art. 27 al. 2 let. a LDIP dispose que la reconnaissance d’une décision doit être refusée si une partie établit qu’elle n’a pas été citée régulièrement, ni selon le droit de son domicile, si selon le droit de sa résidence habituelle, à moins qu’elle n’ait procédé au fond sans faire de réserve.

Cette disposition est une expression de l’ordre public suisse. L’exigence d’une citation régulière est une mesure de protection en faveur du défendeur suisse qui est jugé à l’étranger sans qu’il n’ait eu la possibilité de se défendre dans ce pays étranger.

Le Tribunal fédéral indique que l’art. 27 al. 2 let. a LDIP doit être interprété au-delà de sa lettre et qu’une citation est régulière lorsque le défendeur suisse est rendu attentif sur l’existence de la procédure intentée contre lui à l’étranger. Ce faisant, le défendeur doit être en mesure de préparer et d’organiser sa défense.

A l’inverse de ce qu’a retenu l’instance précédente, le Tribunal fédéral souligne qu’il n’est pas nécessaire que le défendeur suisse se voit communiquer une citation à comparaître ou un délai pour répondre. Il suffit, pour que la citation soit régulière, que le défendeur ait connaissance de la procédure à l’étranger et qu’il puisse préparer sa défense.

En l’espèce, le tribunal dubaïote a communiqué à la défenderesse suisse les pièces du dossier, y compris la demande en paiement à son encontre. Ce faisant, la défenderesse devait être consciente qu’un procès était ouvert contre elle à Dubaï. Le Tribunal fédéral indique enfin que la défenderesse n’a pas accusé réception des pièces du dossier, ce qui était pourtant exigé par le tribunal dubaïote. La défenderesse ne peut dès lors s’en prendre qu’à elle-même si elle n’a pas reçu par la suite de convocation formelle du tribunal dubaïote.

Par conséquent, la citation est régulière au sens de l’art. 27 al. 2 let. a LDIP et le jugement dubaïote est reconnu et déclaré exécutoire en Suisse.

Partant, le recours est admis.

Proposition de citation : Tobias Sievert, La garantie de citation régulière (art. 27 al. 2 let. a LDIP), in : www.lawinside.ch/455/