L’indemnité pour la privation de liberté subie lors de l’appréhension et de l’arrestation provisoire

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ATF 143 IV 339 | TF, 08.06.2017, 6B_478/2016*

Faits

Un prévenu est appréhendé à 10h00 par les gardes-frontière, qui le soupçonnent de conduire avec un permis de conduire falsifié. Le prévenu est remis à la police, qui le place en arrestation provisoire à 14h48Il est libéré à 17h25.

Il s’avère que le permis de conduire du prévenu ne présente aucune falsification. Ainsi, le Ministère public rend une ordonnance de non-entrée en matière (art. 310 al. 1 let. a CPP), mais refuse d’allouer au prévenu une indemnité pour la privation de liberté subie. La Chambre pénale de recours genevoise confirme l’ordonnance du Ministère public, considérant que l’arrestation provisoire n’a pas duré plus de trois heures, ce qui ne justifierait pas une indemnité.

Le prévenu forme un recours en matière pénale au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur l’octroi au prévenu d’une indemnité pour la privation de liberté subie lors de l’appréhension et de l’arrestation provisoire.

Droit

Selon l’art. 429 al. 1 let. c CPP, si le prévenu est acquitté ou s’il bénéficie d’une ordonnance de classement ou de non-entrée en matière (art. 310 al. 2 CPP), il a droit à une réparation du tort moral subi en raison d’une atteinte particulièrement grave à sa personnalité, notamment en cas de privation de liberté.

La notion de privation de liberté au sens de l’art. 429 al. 1 let. c CPP  est considérée comme toute détention ordonnée au cours d’un procès pénal pour les besoins de l’instruction (art. 51 et 110 al. 7 CP). Fondé sur la doctrine et la volonté du législateur, le Tribunal fédéral retient qu’une détention d’une durée égale ou au-delà de trois heures constitue une atteinte grave à la liberté.

Le Tribunal fédéral relève que l’appréhension (art. 215 CPP) ne doit pas être considérée comme une détention avant jugement. Elle ne donne ainsi en principe pas droit à l’indemnité au sens de l’art. 429 CPP, à condition toutefois que la mesure ne dépasse pas trois heures. L’arrestation (art. 217 CPP), quant à elle, est une mesure de privation de liberté.

De ce qui précède, le Tribunal fédéral conclut qu’une appréhension, suivie d’une arrestation, qui s’étendent sur une durée de plus de trois heures, constituent une atteinte à la liberté qui donne lieu à indemnisation. La durée déterminante est celle pendant laquelle le prévenu est retenu à disposition des autorités.

En l’espèce, le prévenu a été gardé à disposition des gardes-frontière puis des gendarmes de 10h à 17h25, soit sur une durée de plus de trois heures. Au bénéfice d’une ordonnance de non-entrée en matière, le prévenu a droit à un jour d’indemnité. Sans circonstances particulières qui justifieraient une indemnité supérieure ou inférieure, le Tribunal fédéral accorde au prévenu le montant habituel de CHF 200.-.

Parant, le recours est admis.

 

Proposition de citation : Tobias Sievert, L’indemnité pour la privation de liberté subie lors de l’appréhension et de l’arrestation provisoire, in : www.lawinside.ch/460/

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  1. […] des souffrances subies par le prévenu et doit être équitable (ATF 143 IV 339, résumé in : http://www.lawinside.ch/460). En l’absence de circonstances particulières, la jurisprudence admet un montant journalier de […]

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