Le lien de causalité en cas de troubles somatoformes douloureux de la victime indirecte
ATF 142 III 433 | TF, 29.06.2016, 4A_637/2015*
Faits
Un couple est impliqué dans un accident de la circulation provoqué par un conducteur tiers. L’épouse subit une atteinte grave à sa santé. L’époux subi une atteinte à sa colonne vertébrale, qui se guérit. Plus tard, l’époux fait face à des troubles somatoformes douloureux, soit des douleurs dont le diagnostic médical ne permet pas d’en identifier la cause.
L’époux ouvre action contre l’assureur RC du conducteur tiers afin d’obtenir la réparation de ses troubles somatoformes. La dernière instance cantonale rejette l’action de l’époux, en niant l’existence d’un lien de causalité entre les troubles dont il se prévaut et l’accident de la circulation.
L’époux forme un recours en matière civile au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se prononcer sur l’existence du lien de causalité adéquat entre les troubles somatoformes douloureux dont souffre l’époux et l’accident de la circulation, au regard de la jurisprudence développée en matière de chocs nerveux.
Droit
Dans un premier temps, le Tribunal fédéral se réfère à sa jurisprudence selon laquelle le tiers, qui subit un dommage indirect ou réflexe seulement à cause d’une relation particulière avec la victime directe, n’a en principe pas droit à une indemnisation. Ce n’est que lorsque le tiers indirectement touché est lui-même atteint par un choc nerveux dans son intégrité physique ou psychique qu’il peut prétendre à une réparation. Dans ce dernier cas, le tiers indirectement touché est en effet directement lésé dans ses propres droits et doit être considéré comme une victime directe (ATF 138 III 276).
Cependant, en cas de dommage réflexe, le Tribunal fédéral rappelle également le besoin d’une limitation raisonnable de la responsabilité, qui intervient par l’analyse de l’existence d’un lien de causalité adéquate. Selon la formule traditionnelle, l’accident est la cause adéquate du préjudice si, d’après le cours ordinaire des choses et l’expérience de la vie, il était propre à entraîner un effet du genre de celui qui s’est produit, de sorte que la survenance de ce préjudice paraît de façon générale favorisée par l’accident en question.
En l’espèce, le Tribunal fédéral compare la survenance des troubles somatoformes dont souffre l’époux à la survenance d’un choc nerveux. Pour ce qui est du choc nerveux, le tiers indirectement touché est directement lésé dans sa propre intégrité au moment où il a connaissance de l’événement accidentel. Il en va toutefois différemment pour les troubles somatoformes dont se prévaut en l’occurrence l’époux qui ne sauraient être assimilés à un choc nerveux.
En effet, la lésion au dos subie par l’époux lors de l’accident s’est entièrement guérie, de sorte qu’elle ne peut pas être dans un rapport de causalité naturelle avec les troubles somatoformes actuels. Ainsi, le Tribunal fédéral constate qu’un lien de causalité naturelle ne peut être retenu que si l’on considère que les troubles somatoformes de l’époux font suite aux blessures graves subies par son épouse, qui est victime directe de l’accident.
Le Tribunal fédéral retient qu’à l’inverse d’un choc nerveux, le développement des troubles somatoformes s’étend en l’espèce sur une période de plusieurs mois. Ainsi, la chaîne causale entre l’accident de voiture et les troubles de l’époux est particulièrement longue.
Dans ces circonstances, le Tribunal fédéral n’applique pas au cas d’espèce sa jurisprudence développée au sujet des chocs nerveux et dénie l’existence d’un lien de causalité adéquate entre l’accident de voiture et les troubles somatoformes de l’époux.
Partant, le recours est rejeté.
Proposition de citation : Tobias Sievert, Le lien de causalité en cas de troubles somatoformes douloureux de la victime indirecte, in : www.lawinside.ch/487/