Une prise de sang doit être ordonnée par le Ministère public (55 LCR)

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ATF 143 IV 313 | TF, 07.09.17, 6B_942/2016*

Une prise de sang est une mesure de contrainte même si le prévenu s’y soumet volontairement. Dès lors, elle doit être ordonnée par le ministère public et non par la police.

Faits

A l’occasion d’un contrôle de police, un automobiliste soupçonné d’être en incapacité de conduire subit une prise de sang. Celle-ci ne révèle aucune trace de THC, mais un principe inactif du cannabis. Le Ministère public du canton de Saint-Gall prononce une ordonnance de classement concernant la conduite sous l’influence de stupéfiant, mais condamne l’automobiliste pour infraction à la LStup. Ce dernier dépose un appel puis un recours devant le Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur les conditions pour ordonner une prise de sang.

Droit

Selon l’art. 55 al. 3 lit. a aLCR, une prise de sang doit être ordonnée lorsqu’il existe des indices laissant présumer une incapacité de conduire. Une prise de sang constitue une mesure de contrainte au sens du CPP, même si la personne accepte de s’y soumettre.

Selon l’art. 198 al. 1 CPPles mesures de contrainte sont ordonnées par le ministère public, le tribunal et par la police dans les cas prévus par la loi. En cas de soupçons d’incapacité de conduire, aucune disposition de la LCR ou du CPP n’autorise la police à ordonner une prise de sang. Partant, cette mesure de contrainte doit être autorisée par le ministère public (ou le tribunal). La prise de sang doit faire l’objet d’un mandat écrit, mais le procureur de piquet peut l’ordonner d’abord téléphoniquement (cf. art. 241 CPP). Même si la question ne se pose pas dans le cas présent, le Tribunal fédéral précise que les cantons ne disposent pas de la possibilité de prévoir des dispositions autorisant la police à ordonner une prise de sang.

En l’espèce, la prise de sang a été ordonnée par la police sans l’avis du Ministère public. Par conséquent, le recourant a été victime d’une mesure de contrainte illicite.

Le Tribunal fédéral admet ainsi le recours et renvoie l’affaire à l’instance précédente afin qu’elle examine si le prévenu a droit à une juste indemnité et une réparation pour tort moral au sens de l’art. 431 al. 1 CPP.

Note

Le Tribunal fédéral a examiné la licéité de la prise de sang en rapport avec l’art. 55 al. 3 aLCR en vigueur jusqu’au 31 décembre 2016. La conclusion, à savoir que la prise de sang constitue une mesure de contrainte qui doit être ordonnée par le ministère public, ne devrait pas évoluer en raison de la nouvelle teneur de l’art. 55 al. 3 LCR. En effet, cette disposition prévoit toujours la possibilité de recourir à une prise de sang, mais la restreint en cas de soupçons de conduite sous l’influence de l’alcool par rapport à la situation actuelle. Dans cette mesure, la prise de sang reste envisagée par la LCR et ses conditions continuent d’être régies par le CPP.

Si le Tribunal fédéral a reconnu l’illicéité de la prise de sang, il n’a pas examiné l’exploitabilité de la preuve car le prévenu n’avait pas pris de conclusions dans ce sens. En revanche, dans un arrêt rendu cette année, mais non publié aux ATF, le Tribunal fédéral s’est penché sur cette question (TF, 04.04.17, 6B_1000/2016 = SJ 2017 I 313). A ce titre, il a appliqué l’art. 141 al. 2 CPP et a constaté que l’infraction commise n’était pas grave avec un taux d’alcool qualifié. Par conséquent, le résultat de la prise de sang était inexploitable. Cela ne signifiait pas encore que le prévenu devait être acquitté puisque d’autres moyens de preuve pouvaient indiquer une conduite sous l’influence de l’alcool (alcootest, aveux du prévenu, heure du contrôle de police qui a eu lieu tôt le dimanche matin).

Proposition de citation : Julien Francey, Une prise de sang doit être ordonnée par le Ministère public (55 LCR), in : www.lawinside.ch/516/

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