Le délai de l’action en inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs

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ATF 143 III 554 | TF, 16.08.2017, 5A_82/2016*

Le délai pour introduire une action visant l’inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs relève du droit de fond et n’est de ce fait pas sujet à suspension.

Faits

Le 12 juin 2013, une entreprise obtient l’inscription provisoire de 18 hypothèques légales des artisans et entrepreneurs et se voit impartir un délai de 60 jours pour introduire l’action tendant à l’inscription définitive de celles-ci. Le jugement précise que le délai précité n’est pas suspendu pendant les féries.

Le 16 août 2013, l’entreprise introduit une action en inscription définitive devant le Pretore du district de Lugano. Statuant uniquement sur la question du respect du délai, celui-ci considère avoir été saisi en temps utile. L’instance d’appel renverse ce prononcé en retenant que l’action était tardive.

L’entreprise saisit le Tribunal fédéral qui doit déterminer si le délai pour introduire l’action en inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs est suspendu pendant les féries.

Droit

Aux termes de l’art. 839 al. 2 CC, l’inscription de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs doit être obtenue au plus tard dans les quatre mois qui suivent l’achèvement des travaux. Dans ce délai, l’artisan/entrepreneur doit obtenir une inscription provisoire (art. 961 al. 3 CC et 76 al. 3 ORF). Si celle-ci est accordée, le juge doit établir les effets et la durée de l’inscription. La durée peut être déterminée de deux manières : soit le juge fixe une période de validité de l’inscription dans le registre foncier, soit il impartit à l’artisan/entrepreneur un délai dans lequel il doit intenter l’action en inscription définitive, de sorte que l’inscription provisoire demeure jusqu’au moment du prononcé.

L’art. 263 CPC dispose que si l’action au fond n’est pas encore pendante, le tribunal impartit au requérant un délai pour le dépôt de la demande, sous peine de caducité des mesures ordonnées.

Pour trancher la question litigieuse, le Tribunal fédéral est appelé à déterminer si le délai fixé par le juge en application de l’art. 961 al. 3 CC relève du droit de fond ou s’il a au contraire caractère procédural en tant qu’il est régi également par l’art. 263 CPC.

Avant l’entrée en vigueur du CPC, le Tribunal fédéral avait jugé que le délai auquel se réfère l’art. 961 al. 3 in fine CC relevait du droit de fond et avait caractère péremptoire, de sorte que les anciennes dispositions de droit cantonal ne pouvaient avoir une quelconque influence sur son cours (ATF 119 II 434 consid. 2).

Le Tribunal fédéral retient que l’introduction de l’art. 263 CPC n’a rien changé à la nature du délai de l’art. 961 al. 3 CC, qui est toujours un délai de droit de fond. Il observe en outre que le contenu des deux dispositions n’est pas le même. L’art. 961 al. 3 CC prévoit que le juge fixe “le cas échéant” un délai dans lequel le requérant doit faire valoir son droit en justice, alors que l’art. 263 CPC oblige le juge à fixer un tel délai si l’action au fond n’est pas encore pendante. Ainsi, la seule application de cette dernière disposition limiterait la possibilité pour le juge de procéder en fixant une durée de validité de l’inscription directement dans le registre foncier.

De même, le principe de l’unité de l’ordre juridique veut que le droit qui fixe le délai soit déterminant également pour le calcul de ce délai. Ainsi, les règles de procédure du CPC ne sont pas applicables pour la computation des délais de droit matériel.

Au vu de ces considérations, le Tribunal fédéral retient que le délai dans lequel doit être introduite l’action visant l’inscription définitive d’une hypothèque légale des artisans et entrepreneurs relève du droit de fond et n’est par conséquent pas suspendu en application l’art. 145 al. 1 CPC. Néanmoins, dès lors qu’il s’agit d’un délai fixé par le juge, sa prolongation est possible (art. 144 al. 1 CPC).

En l’espèce, il s’ensuit que la cour d’appel a eu raison de considérer que la demande introduite le 16 août 2013 par l’entreprise était tardive, le délai de 60 jours n’étant pas suspendu.

Le Tribunal fédéral rejette ainsi le recours.

Proposition de citation : Simone Schürch, Le délai de l’action en inscription définitive de l’hypothèque légale des artisans et entrepreneurs, in : www.lawinside.ch/534/