Les limites du refus de l’aide sociale selon l’ALCP

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ATF 141 V 321 | TF, 19.05.2015, 8C_395/2014*

Faits

Un ressortissant français vit en Suisse et est au bénéfice d’une autorisation de séjour UE/AELE de courte durée (permis L) depuis 2007. En avril 2013, alors qu’il travaille en tant qu’employé, il est mis en détention provisoire pendant un mois. Son employeur constate la fin abrupte des relations de travail. N’ayant plus aucun revenu, l’intéressé requiert l’octroi d’une aide financière afin de régler son loyer. Cette demande est refusée par le centre compétent.

Immédiatement après être sorti de prison (en juin 2013), l’intéressé retrouve un emploi et est nouvellement mis au bénéfice d’un permis L. Parallèlement, il conteste la décision du centre auprès du Service de Prévoyance et d’aide sociale du canton de Vaud (SPAS), en demandant le versement de l’aide financière pour les mois d’avril à juin 2013. Débouté, l’intéressé recourt au Tribunal cantonal vaudois, puis au Tribunal fédéral, en réitérant ses conclusions.

Il se pose la question de l’admissibilité du refus d’octroyer l’aide sociale dans le cas d’espèce.

Droit

Le Tribunal fédéral constate d’emblée que le recourant entre dans le champ d’application de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP).

À son art. 34, la loi sur l’action sociale vaudoise (LASV) dispose qu’une prestation financière est accordée à toute personne qui se trouve dépourvue des moyens nécessaires pour satisfaire les besoins vitaux et d’autres besoins personnels spécifiques importants. L’art. 4 al. 2 LASV exclut l’application de la loi aux requérants d’asile et aux ressortissants communautaires à la recherche d’un emploi et titulaires d’une autorisation de séjour de courte durée – l’aide d’urgence étant réservée.

L’instance cantonale a retenu que pendant la période en question – avril-juin 2013 – le recourant devait être considéré comme étant à la recherche d’un emploi et n’avait donc pas droit à l’aide sociale.

Quant à lui, le recourant fait valoir qu’il a toujours travaillé en Suisse en situation parfaitement régulière et a retrouvé un emploi immédiatement après sa sortie de prison, ce qui aurait pour conséquence qu’il n’a jamais perdu son statut de travailleur. Ainsi, il pourrait se prévaloir de la garantie d’égalité de traitement prévue à l’art. 9 par. 2 Annexe I ALCP.

Cette disposition prévoit que le travailleur salarié et les membres de sa famille bénéficient des mêmes avantages fiscaux et sociaux que les travailleurs salariés nationaux et leur famille. Selon la jurisprudence de la CJUE, la notion d’avantage social recouvre également une prestation sociale garantissant un minimum de moyens d’existence, telle que l’aide sociale vaudoise.

Si l’art. 9 par. 2 de l’Annexe I permet donc aux travailleurs ressortissant d’un Etat membre – y compris les bénéficiaires d’un permis L – d’obtenir l’aide sociale en Suisse, il autorise en même temps à exclure d’autres personnes tels que les chercheurs d’emploi au sens de l’art. 2 par. 1 al. 2 Annexe I ALCP. Dans cette catégorie rentrent les travailleurs d’une partie contractante qui se rendent sur le territoire d’une autre partie pour y chercher du travail et également ceux qui y ont déjà travaillé pour une durée inférieure à 12 mois (donc bénéficiaires d’un permis L) et y demeurent pour chercher un emploi. L’art. 6 par. 6 Annexe I ALCP réserve le cas de travailleurs se trouvant involontairement au chômage.

En l’espèce, le recourant avait perdu son emploi et ne se trouvait pas en situation de chômage. Dans la mesure où sa situation était donc assimilable à celle d’un chercheur d’emploi, il ne pouvait exciper aucun droit à l’aide sociale de par la garantie d’égalité de traitement. Partant, conformément à l’Annexe I de l’ALCP, le canton de Vaud était en droit de l’exclure de l’aide sociale.

Mal fondé, le recours est alors rejeté.

Proposition de citation : Simone Schürch, Les limites du refus de l’aide sociale selon l’ALCP, in : www.lawinside.ch/55/