Le sort des frais judiciaires en cas de classement

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ATF 144 IV 202 | TF, 27.04.2018, 6B_597/2017*

Lorsqu’une non-entrée en matière ou un classement est prononcé sur la base des art. 52 à 55a CP, une mise à la charge du prévenu des frais s’avère en tous les cas justifiée.

Faits

Une instruction est ouverte contre un prévenu pour abus de confiance, escroquerie et appropriation illégitime. Suite à un arrangement avec le prévenu, les parties plaignantes retirent leurs plaintes.

En application de l’art. 53 CP, le Ministère public décide de classer l’instruction. Il met toutefois les frais de la procédure à la charge du prévenu lequel recourt à la Chambre pénale de recours genevoise. Celle-ci admet le recours du prévenu et renvoie la cause au Ministère public pour qu’il alloue une indemnité au prévenu pour ses frais de défense.

Le Ministère public recourt au Tribunal fédéral qui doit déterminer les conditions dans lesquelles les frais de procédure peuvent être mis à la charge du prévenu lorsque la procédure a été classée sur la base de l’art. 53 CP.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que la condamnation d’un prévenu acquitté à supporter tout ou partie des frais doit respecter la présomption d’innocence (art. 32 al. 1 Cst. et 6 par. 2 CEDH). Celle-ci interdit de rendre une décision défavorable au prévenu libéré en laissant entendre que ce dernier serait néanmoins coupable des infractions qui lui étaient reprochées. Une condamnation aux frais n’est ainsi admissible que si le prévenu a provoqué l’ouverture de la procédure pénale dirigée contre lui ou s’il en a entravé le cours (art. 426 al. 2 CPP).

Cela étant dit, selon le Tribunal fédéral, ces principes ne s’appliquent pas lorsqu’une autorité rend une décision de classement ou de non-entrée en matière sur la base des art. 52 à 55a CP . En effet, ces dispositions s’intègrent dans une section du Code pénal intitulée “Exemption de peines et suspension de la procédure”. Chacune de ces dispositions repose sur la prémisse selon laquelle l’auteur a commis un acte illicite.

Les art. 52 à 55a CP offrent la possibilité aux autorités pénales de rendre une ordonnance de non-entrée en matière ou de classement (cf. art. 8 al. 4 CPP). Cette décision, en ce qu’elle n’emporte pas condamnation et ne se prononce pas sur la culpabilité, ne porte pas atteinte à la présomption d’innocence dont bénéficie le prévenu. Néanmoins, compte tenu de l’acte illicite nécessairement commis et en dépit duquel une non-entrée en matière ou un classement est prononcé, une mise à sa charge des frais s’avère en tous les cas justifiée.

La cour cantonale a donc violé le droit fédéral en considérant que les frais découlant des volets de la procédure pour lesquels l’intimé a bénéficié d’un classement fondé sur les art. 53 CP et 8 CPP ne devaient pas être mis à sa charge.

Le recours est donc admis.

Proposition de citation : Arnaud Nussbaumer-Laghzaoui, Le sort des frais judiciaires en cas de classement, in : www.lawinside.ch/597/