L’utilisation de preuves découvertes fortuitement si le MP ne demande pas l’approbation du TMC (art. 278 CPP)

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ATF 144 IV 254 | TF, 25.06.18, 6B_1381/2017*

Si le ministère public ne demande pas l’approbation d’une surveillance téléphonique à l’encontre d’un prévenu lors de la découverte fortuite de preuves à son encontre (art. 278 al. 3 CPP), les preuves obtenues sont absolument inexploitables ; il n’y a pas de place à une pesée des intérêts en présence.

Faits

Le Ministère public de Zurich ordonne la surveillance d’un téléphone portable d’un prévenu (X) soupçonné d’un trafic de drogue, puis lève la surveillance. Environ 2 ans plus tard, dans le cadre d’un autre trafic qui se révèle en réalité lié, le Ministère public met sous écoute d’autres téléphones portables d’autres personnes. À l’occasion de cette seconde surveillance, le Ministère public découvre qu’une autre personne, qui sera ensuite identifiée comme le dénommé X, se serait également rendue coupable de crime à la LStup. Sur la base de ce moyen de preuve, le Ministère public condamne X à une peine privative de liberté.

Estimant que la deuxième surveillance était illicite à son encontre, celui-ci recourt au Tribunal cantonal puis au Tribunal fédéral qui doit clarifier l’exploitabilité des preuves recueillies.

Droit

À la teneur de l’art. 278 al. 2 CPP traitant des découvertes fortuites de preuves lors d’une surveillance d’un moyen de télécommunication, les informations concernant une infraction dont l’auteur soupçonné ne figure pas dans l’ordre de surveillance peuvent être utilisées lorsque les conditions requises pour une surveillance de cette personne sont remplies. Dans ce cas, le ministère public doit ordonner la surveillance et obtenir l’accord du TMC (art. 278 al. 3 CPP). Pour déterminer si le moyen de preuve obtenu est une découverte fortuite, il faut se baser sur l’ordre de surveillance du ministère public : les découvertes sur une personne ne figurant pas dans l’ordre de surveillance sont fortuites.

En l’espèce, les preuves contre le recourant ont été obtenues lors d’une surveillance téléphonique portant sur d’autres personnes et l’ordre de surveillance ne mentionnait pas son nom. Certes, une surveillance antérieure, puis levée, avait été ordonnée à l’encontre du recourant. Cependant, les infractions ayant justifié la seconde surveillance ne sont pas les mêmes que celles commises lors de la première surveillance. Par conséquent, les preuves obtenues relevaient de découvertes fortuites et nécessitaient une nouvelle procédure d’approbation du TMC. Faute d’une telle procédure engagée par le ministère public, le Tribunal fédéral doit clarifier si les preuves obtenues en violation de l’art. 278 CPP sont exploitables au terme d’une pesée des intérêts (art. 141 al. 2 CPP) ou si elles sont absolument inexploitables (art. 141 al. 1 CPP). Dans cette dernière hypothèse, le CPP doit le prévoir explicitement.

L’art. 277 al. 1 CPP prévoit que les preuves obtenues lors d’une surveillance non autorisée ne sont pas exploitables et doivent être immédiatement détruites. Même si cette disposition ne régit pas directement les preuves découvertes de manière fortuite, le Tribunal fédéral estime que cette conséquence s’applique à chaque surveillance non autorisée. Partant, les preuves découvertes fortuitement sans autorisation du TMC sont inexploitables. La teneur de l’art. 278 al. 4 CPP qui prévoit que « les documents et enregistrements qui ne peuvent être utilisés au titre de découvertes fortuites doivent être conservés séparément et détruits immédiatement après la clôture de la procédure » ne modifie pas ce constat. En effet, même si la destruction des pièces n’est pas immédiate contrairement à l’art. 277 CPP, la conservation des pièces se justifie afin de permettre au prévenu d’examiner si des moyens de preuves obtenus de manière illicite se retrouvent dans son dossier.

En outre, le Tribunal fédéral se fonde sur l’interprétation historique de l’art. 278 CPP qui a repris en grande partie la règlementation contenue à l’art. 9 al. 3 aLSCPT. Or, cette dernière disposition prévoyait explicitement que les preuves découvertes fortuitement sans autorisation de surveillance étaient absolument inexploitables. Dans cette mesure, il ne fait pas de doute que le législateur souhaitait que les preuves recueillies en violation de l’art. 278 al. 3 CPP soient absolument inexploitables. Cette solution est d’ailleurs admise par la doctrine unanime.

Par conséquent, c’est à tort que l’instance précédente a admis les moyens de preuves découverts fortuitement lors de la seconde écoute téléphonique. Le Tribunal fédéral admet le recours et renvoie l’affaire à l’instance précédente pour qu’elle détermine si, en retranchant du dossier les preuves illicites, il existe suffisamment d’éléments pour retenir que le recourant s’est rendu coupable d’infraction à la LStup.

Proposition de citation : Julien Francey, L’utilisation de preuves découvertes fortuitement si le MP ne demande pas l’approbation du TMC (art. 278 CPP), in : www.lawinside.ch/642/