L’importation des oeuvres d’Alberto Giacometti par ses héritiers est soumise à la TVA

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ATF 144 II 293 | TF, 03.08.2018, 2C_721/2016*

Les oeuvres d’Alberto Giacometti importées en Suisse par ses héritiers sont soumises à la TVA. Ces oeuvres ne peuvent pas être qualifiées tels des effets de succession dont l’importation est franche d’impôt, à défaut d’avoir été utilisées par le défunt pour un usage personnel. Enfin, l’exonération d’impôt à l’importation prévue pour l’artiste lui-même ne saurait être transmise aux héritiers de celui-ci.

Faits

L’artiste Alberto Giacometti est décédé. La succession est constituée d’œuvres créées par le défunt. Ces œuvres, situées en France, sont dévolues aux héritiers qui sont notamment domiciliés en Suisse.

Les héritiers souhaitent importer les œuvres en Suisse. Ils présentent à l’Administration fédérale des douanes (Administration) une requête d’importation des œuvres en franchise comme effet de la succession. L’Administration refuse d’admettre l’importation des œuvres en franchise de TVA et impose celles-ci à l’importation (7.6 % de leur valeur estimée). Le Tribunal administratif fédéral confirme cette décision.

Les héritiers forment un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral qui doit se prononcer sur l’importation des œuvres en franchise de TVA.

Droit

En matière de TVA, sont franches d’impôt les importations prévues à l’art. 53 LTVA. En l’espèce, le Tribunal fédéral passe en particulier deux hypothèses en revue qui pourraient entrer en ligne de compte concernant l’importation en franchise des oeuvres.

Premièrement, la loi prévoit une importation franche d’impôt des effets de succession (art. 53 al. 1 let. d LTVA cum art. 8 al. 2 let. c LD). L’importation exonérée des effets de succession est concrétisée par l’art. 16 OD. Comme condition, l’art. 16 al. 1 let. a OD prévoit notamment que les effets de succession doivent avoir été utilisés par le défunt pour son usage personnel.

En l’espèce, les œuvres créées par Alberto Giacometti n’ont pas été utilisées par celui-ci pour son usage personnel, par exemple pour décorer son habitation. Dès lors, le Tribunal fédéral retient que les œuvres ne peuvent être qualifiées d’effets de succession. Elles ne sauraient par conséquent être admises en franchise de TVA à l’importation.

Secondement, la loi prévoit une importation franche d’impôt des œuvres d’art créées par des artistes-peintres ou des sculpteurs que ceux-ci ont importées ou fait importer sur le territoire suisse (art. 53 al. 1 let. c LTVA).

Le Tribunal fédéral retient que l’importation de ces œuvres n’est franche d’impôt que lorsque l’artiste importe lui-même son œuvre. L’importation par d’autres personnes est soumise à l’impôt. L’exonération de l’impôt étant étroitement liée à la personne de l’artiste.

Ainsi, le Tribunal fédéral considère que les héritiers d’un artiste, qui sollicitent l’importation d’une œuvre acquise par succession, ne peuvent être assimilés à l’artiste lui-même dans l’application de l’art. 53 al. 1 let. c LTVA.

En l’espèce, dès lors que l’importation des œuvres est le fait des héritiers et non de l’artiste lui-même, le Tribunal fédéral refuse d’accorder la franchise de TVA à l’importation.

Examinant encore le cas sous l’angle de l’Accord de l’UNESCO pour l’importation d’objets de caractère éducatif, scientifique ou culturel, le Tribunal fédéral relève que cet Accord prévoit essentiellement une exemption des droits de douane. Cet accord n’empêche pas la perception d’autres taxes ou des impositions ultérieures, à l’instar de la TVA, qui peut être prélevée lors de l’importation.

Partant, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Tobias Sievert, L’importation des oeuvres d’Alberto Giacometti par ses héritiers est soumise à la TVA, in : www.lawinside.ch/648/