Affaire UBS : la demande d’assistance administrative française qualifiée de fishing expedition

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Note : cet arrêt a été cassé par le Tribunal fédéral par l’arrêt 2C_653/2018* du 27 juillet 2019. Pour un résumé complet de l’arrêt du Tribunal fédéral, cf. Lawinside.ch/851/.

TAF, 30.07.2018, A-1488/2018

En matière d’assistance administrative, une demande collective doit notamment exposer les motifs permettant de supposer que les contribuables du groupe n’auraient pas rempli leurs obligations fiscales. Le fait que l’État requérant n’allègue que des statistiques pour présumer que les comptes bancaires des contribuables visés ne seraient pas déclarés n’est pas un motif suffisant. Ainsi, en l’espèce, la France n’étaye pas à satisfaction les motifs lui permettant de considérer que les contribuables n’auraient pas rempli leurs obligations fiscales. La demande d’assistance française s’apparente par conséquent à une fishing expedition inadmissible.

Faits

La Direction générale des finances publiques française adresse une demande d’assistance administrative à l’Administration fédérale des contributions (AFC). Cette demande est fondée sur une liste contenant les numéros de comptes bancaires de plusieurs milliers de clients de l’UBS en Suisse. Cette liste a été obtenue par les autorités allemandes auprès d’une filiale de l’UBS en Allemagne, puis communiquée à la France. Les comptes bancaires cités contiennent un code de domicile lié à la France.

Dans sa demande, la France sollicite la transmission notamment de l’identité des titulaires des comptes bancaires figurant sur la liste et les relevés correspondants. Les autorités françaises allèguent, sur la base de statistiques, que les titulaires concernés seraient des contribuables français qui n’auraient pas rempli leurs obligations fiscales.

L’AFC accorde l’assistance administrative.

L’UBS forme un recours au Tribunal administratif fédéral. Celui-ci doit se déterminer sur la recevabilité de la demande d’assistance en lien avec l’interdiction des fishing expeditions.

Droit

À titre préliminaire, le Tribunal administratif fédéral rappelle avoir déjà tranché la qualité de partie, respectivement la qualité pour recourir de l’UBS dans la présente cause (TAF, 25.10.2016, A-4974/2016).

Selon l’art. 28 ch. 1 CDI CH-FR, les autorités compétentes des États contractants échangent les renseignements vraisemblablement pertinents pour appliquer les dispositions de la Convention. Le ch. XI par. 2 du Protocole additionnel concrétise l’interdiction des fishing expeditions en précisant que la référence aux renseignements « vraisemblablement pertinents » a pour but d’assurer un échange de renseignements en matière fiscale qui soit le plus large possible, sans qu’il soit pour autant loisible aux États contractants « d’aller à la pêche aux renseignements » ou de demander des renseignements dont il est peu probable qu’ils soient pertinents pour élucider les affaires fiscales d’un contribuable déterminé.

Le Tribunal administratif fédéral considère que la demande d’assistance française vise un nombre déterminé de personnes, identifiées au moyen de leur numéro de compte bancaire. Dans ce sens, la requête relève d’une demande collective. Ainsi, le Tribunal administratif fédéral se réfère aux critères développés par le Tribunal fédéral dans ses ATF 143 II 136, consid. 6.1.2 et ATF 143 II 628, consid. 5.2 pour déterminer si la demande d’assistance constitue une pêche aux renseignements illicite.

Selon les jurisprudences précitées, une demande d’assistance doit remplir trois conditions pour constituer une demande collective admissible. Premièrement, elle doit fournir une description détaillée du groupe, qui expose les faits et les circonstances spécifiques ayant conduit à la formulation de la demande. Deuxièmement, elle doit exposer le droit fiscal applicable ainsi que les motifs permettant de supposer que les contribuables du groupe n’auraient pas rempli leurs obligations fiscales. Troisièmement, elle doit démontrer que les renseignements demandés sont propres à faire en sorte que ces obligations soient remplies.

En l’espèce, le Tribunal administratif fédéral admet que les première et troisième conditions sont données. Les personnes concernées sont en effet identifiables selon les numéros des comptes bancaires et la communication de leur identité et des relevés bancaires est apte à déterminer le respect de leurs obligations fiscales.

En ce qui concerne la deuxième condition, le Tribunal administratif fédéral considère que l’autorité fiscale française ne démontre pas suffisamment que les titulaires des comptes bancaires auprès de l’UBS n’auraient pas rempli leurs obligations fiscales. En particulier, la France ne se fonde que sur des statistiques pour étayer ses allégations, qui sont impropres à fonder des motifs laissant supposer que les contribuables concernés n’auraient pas déclaré leurs avoirs. Enfin, le simple fait qu’un contribuable français détienne un compte bancaire en Suisse ne permet pas de déduire que le compte concerné ne serait pas déclaré.

Ainsi, la demande d’assistance française n’expose pas les motifs permettant de supposer que les contribuables du groupe n’auraient pas rempli leurs obligations fiscales. Elle s’apparente ainsi à une fishing expedition et doit être déclarée irrecevable.

Partant, le recours est admis.

Note

L’Administration fédérale des contributions a déposé le 10 août 2018 un recours en matière de droit public auprès du Tribunal fédéral contre l’arrêt du Tribunal administratif fédéral faisant l’objet du présent résumé.

Pour un commentaire de l’arrêt résumé ci-dessus, cf. Lysandre Papadopoulos, Assistance internationale en matière fiscale : Fishing expedition bloquée par le TAF, publié le 7 août 2018 par le Centre de droit bancaire et financier, https://www.cdbf.ch/1015/

Proposition de citation : Tobias Sievert, Affaire UBS  : la demande d’assistance administrative française qualifiée de fishing expedition, in : www.lawinside.ch/651/

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