Impôt à la source : l’imputation d’un revenu théorique au conjoint du contribuable

Télécharger en PDF

ATF 144 II 313 TF, 26.06.2018, 2C_450/2017*

Lorsque des époux vivant en ménage commun exercent tous deux une activité lucrative, l’impôt à la source est calculé sur la base de leur revenu global. Pour déterminer le revenu global, il est imputé un revenu théorique au conjoint du contribuable. Le contribuable est en droit de demander une rectification de son imposition afin que le revenu effectif – et non pas théorique – de son conjoint soit retenu pour déterminer le taux d’imposition.

Faits

Un citoyen suisse travaille comme douanier de la Confédération suisse dans le canton de Vaud. Son épouse française travaille en France. Elle perçoit un revenu annuel de EUR 25’000. Le couple est domicilié en France.

Le douanier est imposé à la source. Afin de tenir compte des revenus globaux du couple, le taux d’imposition tient compte d’un revenu fictif de CHF 65’000 imputé à son épouse.

Le douanier conteste en vain devant les autorités cantonales le revenu fictif imputé à son épouse. Il plaide qu’il soit tenu compte du revenu effectif de son épouse.

Le douanier forme un recours en matière de droit public au Tribunal fédéral. Celui-ci doit se pencher sur l’imputation d’un revenu fictif au conjoint du contribuable soumis à l’impôt à la source.

Droit

À titre préliminaire, le Tribunal fédéral indique que le douanier, employé en Suisse mais domicilié en France, est assujetti en Suisse à l’impôt à la source sur le revenu de son activité (art. 5 al. 1 let. a et 91 LIFD ; art. 35 LHID ; art. 5 al. 1 let. a et 138 LI/VD ; art. 17 par. 4 et 21 CDI CH-F).

Lorsque des époux vivant en ménage commun exercent tous deux une activité lucrative, l’impôt à la source est calculé sur la base de leur revenu global (art. 86 al. 2 LIFD ; art. 33 al. 2 LHID ; art. 133 al. 2 LI/VD). Le barème C (« double gain ») s’applique à ces couples (art. 1 al. 1 let. c OIS ; art. 5 RIS/VD).

En matière d’impôt à la source, l’employeur débiteur de la prestation imposable prélève l’impôt auprès de son employé. Étant donné que l’employeur ignore le revenu de l’époux salarié de son employé, le barème C impute un revenu théorique et forfaitaire fondé sur des données statistiques au conjoint du contribuable. L’imputation a lieu afin de déterminer le taux d’imposition.

En l’espèce, le Tribunal fédéral reconnaît que ce système aboutit à une surimposition, étant donné que l’épouse du douanier active en France tire un faible revenu de son activité. Elle ne perçoit en effet que EUR 25’000 au lieu des CHF 65’000 imputés selon le barème C.

Le Tribunal fédéral estime ainsi que la structure du barème C conduit à une surimposition du contribuable lorsque le conjoint étranger actif à l’étranger titre un revenu inférieur à celui imputé selon le barème. Une telle surimposition est contraire aux art. 86 al. 2 LIFD, 33 al. 2 LHID et 133 al. 2 LI/VD ainsi qu’au principe de la capacité contributive (art. 127 al. 2 Cst.).

Le douanier était en droit de demander une rectification de son imposition afin que le revenu effectif de son épouse soit retenu pour déterminer le taux d’imposition.  Les autorités cantonales auraient dû rectifier l’imposition.

Partant, le Tribunal fédéral admet le recours.

Note

Le Tribunal fédéral précise qu’il appartient aux administrations fiscales, et non pas à l’employeur débiteur de la prestation imposable, de rectifier l’imposition du contribuable au moyen d’un barème C de rectification tenant compte des revenus effectifs du couple.

Le droit genevois prévoit déjà une telle procédure de rectification tenant compte des revenus effectifs lorsque seul l’un des époux est assujetti à l’impôt dans le canton mais que tous deux exercent une activité lucrative (art. 3 al. 1 let. a et al. 2 RISP/GE).

Proposition de citation : Tobias Sievert, Impôt à la source  : l’imputation d’un revenu théorique au conjoint du contribuable, in : www.lawinside.ch/656/

1 réponse

Les commentaires sont fermés.