L’assistance judiciaire de la partie plaignante durant les investigations policières

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ATF 144 IV 377TF, 10.12.2018, 1B_401/2018*

Une partie plaignante peut solliciter l’assistance judiciaire durant la phase des investigations policières au cours de la procédure préliminaire sans avoir à attendre une ouverte formelle d’une instruction pénale par le Ministère public.

Faits

Une personne dépose plainte à l’encontre de son ancien compagnon pour contrainte sexuelle (art. 189 CP), usure (art. 157 CP) et traite d’êtres humains (art. 182 CP). Elle reproche à son compagnon de l’avoir fait venir du Brésil en lui faisant miroiter un mariage, de l’avoir placée dans un état de dépendance psychologique, de l’avoir contrainte à subir des pratiques sexuelles et de l’avoir fait travailler à son service pour un salaire démesurément bas (200 francs par mois).

Sur transmission du Ministère public vaudois, la police ouvre des investigations, sans qu’il n’y ait à ce stade une ouverture d’instruction. La personne qui a déposé plainte, désormais partie plaignante, requiert du Ministère public l’octroi de l’assistance judiciaire et la désignation de son conseil en tant qu’avocate d’office. Le Ministère public rejette la demande, en considérant qu’une partie plaignante n’a pas droit à l’assistance judiciaire aux stades des investigations policières. Sur recours, le Tribunal cantonal vaudois octroie l’assistance judiciaire. Contre cette décision, le Ministère public vaudois forme un recours en matière de droit pénal auprès du Tribunal fédéral.

Le Tribunal fédéral doit se prononcer sur la question de savoir si une partie plaignante peut faire une demande d’assistance judiciaire au stade des investigations policières au cours de la procédure préliminaire (art. 299 al. 1 CPP), et donc avant qu’une instruction formelle au sens de l’art. 309 CPP ne soit ouverte.

Droit

Le Tribunal fédéral rappelle qu’il a déjà retenu qu’une partie plaignante avait le droit à l’assistance d’un avocat d’office au sens de l’art. 136 CPP au cours de la procédure préliminaire dans la phase d’instruction conduite par le Ministère public (art. 299 al. 1 in fine CPP) – phase qui a lieu après celle des investigations policières (TF, 22.04.2016, 1B_450/2015, c. 2.2 ; TF, 14.02.2014, 1B_341/2013, c. 2.2). Le Tribunal fédéral considère ici qu’aucun motif ne permet d’avoir une autre approche en ce qui concerne la phase des investigations de la police – phase qui a lieu avant l’instruction du Ministère public. Le Tribunal fédéral s’appuie notamment sur l’art. 127 al. 1 CPP qui autorise la partie plaignante à se faire assister par un conseil juridique pour défendre ses intérêts dans toutes les phases de la procédure.

Le Tribunal fédéral retient ainsi qu’une partie plaignante peut solliciter l’assistance judiciaire durant la phase des investigations policières au cours de la procédure préliminaire, sans avoir à attendre une ouverture formelle d’une instruction pénale par le Ministère public.

Le Tribunal fédéral rejette ainsi l’arrêt du Ministère public vaudois.

Proposition de citation : Alborz Tolou, L’assistance judiciaire de la partie plaignante durant les investigations policières, in : www.lawinside.ch/705/