L’établissement d’un profil ADN dans la perspective d’infractions futures

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ATF 145 IV 263TF, 24.04.2019, 1B_17/2019*

L’établissement d’un profil ADN à des fins de prévention et d’élucidation de futures infractions est autorisé par l’art. 255 al. 1 let. a CPP pour autant que les conditions de l’art. 197 al. 1 CPP soient remplies. En particulier, l’établissement d’un profil ADN est proportionné lorsque des indices sérieux et concrets montrent que le prévenu est ou sera impliqué dans de futures infractions, pour autant que celles-ci soient d’une certaine gravité.

Faits

Le Ministère public de Zurich-Limmat mène une instruction contre un prévenu pour menaces, dommage à la propriété, lésions corporelles simple et éventuellement violation de domicile. Dans ce cadre, il ordonne l’établissement du profil ADN du prévenu au moyen d’un frottis de la muqueuse jugale déjà à disposition.

Le prévenu attaque cette ordonnance devant le Tribunal cantonal du canton de Zurich. Débouté, il recourt au Tribunal fédéral.

Droit

L’instance précédente ne prétend pas que l’établissement d’un profil ADN soit nécessaire dans le cadre de l’instruction, ni qu’il n’existe des indices concrets que le prévenu ait commis d’autres infractions. Le Tribunal fédéral doit donc se prononcer sur la possibilité d’établir un profil ADN dans le seul but de prévenir ou élucider de futures infractions.

Comme cela ressort de l’art 1 al. 2 let. a de la Loi sur les profils d’ADN, applicable à la procédure pénale par renvoi de l’art. 259 CPP, l’élaboration de profils ADN doit permettre l’identification d’auteurs encore inconnus des autorités de poursuite pénale. Dans une perspective téléologique, elle doit jouer un rôle préventif et permettre d’empêcher d’éventuelles erreurs judiciaires. Dès lors, selon la lecture extensive de l’art. 255 al. 1 let. a CPP privilégiée par la jurisprudence fédérale et la doctrine majoritaire, cette norme permet l’établissement de profils ADN dans le but d’identifier les auteurs de futures infractions.

L’établissement d’un profil ADN constitue néanmoins une mesure de contrainte. Il doit donc respecter les conditions de l’art. 197 al. 1 CPP qui concrétise l’art. 36 Cst. dans le contexte de la procédure pénale.

Lorsque l’établissement d’un profil ADN ne sert pas à élucider une infraction dans le cadre d’une procédure pendante, la proportionnalité ne sera admise que si des indices sérieux et concrets montrent que le prévenu est ou sera impliqué dans d’autres infractions, pour autant que celles-ci soient d’une certaine gravité (ATF 141 IV 87). De tels indices satisfont déjà à la condition de l’art. 197 al. 1 let. b CPP. D’autres critères, tels que les antécédents pénaux, peuvent également jouer un rôle dans le cadre de l’appréciation générale de la proportionnalité.

Selon l’instance précédente, le comportement reproché au recourant et son trouble de la personnalité constituent des indices sérieux et concrets d’un risque de futures infractions justifiant cette atteinte légère à ses droits fondamentaux. Pour le Tribunal fédéral, cette appréciation n’est pas critiquable. Le fait que les infractions reprochées au recourant ne soient poursuivies que sur plainte, que certaines de ces plaintes aient été retirées, qu’aucun préjudice important n’ait été causé, que le seul antécédent du prévenu soit lié à une violation de la LCR ou encore qu’une procédure instruite contre lui ne concerne qu’une violation légère de la LArm ne sont pas pertinents sous cet angle.

Rien ne s’opposait donc en l’espèce à l’établissement d’un profil ADN, de sorte que le Tribunal fédéral rejette le recours.

Proposition de citation : Quentin Cuendet, L’établissement d’un profil ADN dans la perspective d’infractions futures, in : www.lawinside.ch/756/