Le recours au Tribunal fédéral contre la reconnaissance d’une faillite bancaire étrangère

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ATF 145 II 168 | TF, 28.05.2019, 2C_105/2018*

La décision par laquelle la FINMA reconnaît la mise en liquidation d’une banque étrangère et remet le patrimoine détenu en Suisse par ladite banque à l’autorité étrangère compétente (art. 37g LB) constitue un acte d’entraide administrative internationale. Elle ne peut dès lors faire l’objet d’un recours en matière de droit public devant le Tribunal fédéral (art. 83 let. h LTF).

Faits

En 2015, les autorités américaines excluent Banca Privada d’Andorra (BPA) du système financier américain suite à des soupçons de blanchiment. L’autorité compétente andorrane, l’Agència Estatal de Resoluciòn d’Entitats Bancàries (AREB), décide alors de la mise en liquidation de BPA.

BPA détient une position relative à des espèces et des effets de change auprès d’une banque suisse pour le compte de clients domiciliés en Suisse.

L’AREB demande à la FINMA la reconnaissance de la décision de liquidation relative à BPA. Par décision du 13 mars 2017, la FINMA fait droit à cette demande et retient que les avoirs de BPA auprès de la banque suisse susvisée peuvent être remis à l’AREB sans procédure de liquidation ancillaire en Suisse.

Les ayants droits économiques des espèces et des effets de change détenus par BPA en Suisse recourent contre cette décision auprès du Tribunal administratif fédéral. Ce dernier déclare le recours irrecevable, faute de qualité pour recourir des ayants droits économiques.

Ceux-ci forment alors recours auprès du Tribunal fédéral qui doit déterminer si la décision de la FINMA constitue une décision en matière d’entraide administrative internationale contre laquelle la voie du recours en matière de droit public n’est pas ouverte.

Droit

Aux termes de l’art. 83 let. h LTF, le recours en matière de droit public est irrecevable contre les décisions en matière d’entraide administrative internationale, à l’exception de l’assistance administrative en matière fiscale.

Il ressort des travaux préparatoires relatifs à la LTF que les matières visées par l’art. 83 let. h LTF sont généralement celles qui pouvaient jusqu’alors faire l’objet d’un recours direct devant le Tribunal fédéral. Conformément à la volonté du législateur, le Tribunal administratif fédéral œuvre désormais comme instance unique dans ces domaines, notamment afin de garantir une certaine célérité de procédure.

Cela étant, le Tribunal fédéral n’a jamais défini précisément la notion d’entraide administrative internationale.

L’entraide internationale inclut toutes les mesures prises par une autorité suisse sur requête d’une autorité étrangère, afin de permettre à cette dernière d’accomplir ses tâches (par exemple en instruisant une cause ou en exécutant une décision). En l’espèce, la FINMA a non seulement reconnu le plan de résolution de l’AREB, mais également permis à celle-ci de réclamer directement les avoirs de BPA en Suisse. À titre de comparaison, en cas de faillite non bancaire, la masse en faillite devrait demander la reconnaissance du jugement de faillite et l’ouverture d’une procédure de faillite ancillaire en Suisse (art. 166 ss LDIP). Du point de vue fonctionnel, la décision litigieuse s’apparente ainsi à l’ouverture d’une faillite ancillaire. Or, à teneur de jurisprudence, le Tribunal fédéral assimile cette dernière à un acte d’entraide judiciaire internationale. Dans ces circonstances, il faut retenir que la décision de la FINMA de reconnaître le plan de résolution de l’AREB et de permettre à celle-ci réclamer directement les avoirs de BPA en Suisse constitue un acte d’entraide internationale.

Il s’agit encore de déterminer si cet acte d’entraide ressort à la matière administrative. La FINMA, établissement autonome de droit public, a pris la décision litigieuse en vertu de l’art. 37g al. 1 LB. L’assistance fournie par la FINMA repose ainsi sur un mécanisme administratif régi par le droit public.

Partant, la décision litigieuse constitue un acte d’entraide administrative internationale, contre lequel la voie du recours en matière de droit public n’est pas ouverte.

Le recours ne peut pas non plus être converti en recours en matière civile. En effet, la faillite et l’assainissement des banques sont soumis à un régime particulier de droit public. On ne peut dès lors assimiler la décision litigieuse à une décision en matière de poursuite pour dettes et faillites, contre laquelle le recours en matière civile serait ouvert.

Par ces motifs, le Tribunal fédéral déclare le recours irrecevable.

Note

En cas de faillite non bancaire, le nouvel art. 174a LDIP entré en vigueur le 1er janvier 2019 permet désormais au tribunal suisse qui prononce la reconnaissance de la faillite étrangère de renoncer à l’ouverture d’une faillite ancillaire en Suisse dans certaines circonstances.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, Le recours au Tribunal fédéral contre la reconnaissance d’une faillite bancaire étrangère, in : www.lawinside.ch/778/