Le calcul des intérêts moratoires pour les contributions d’entretien du droit de la famille

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ATF 145 III 345TF, 30.04.2019, 5A_579/2018*

Les contributions d’entretien du droit de la famille sont des arrérages au sens de l’art. 105 al. 1 CO. Partant, le débiteur de contributions d’entretien en demeure ne doit l’intérêt moratoire qu’à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice.

Faits

En 2013, l’Obergericht bernois condamne un débiteur à verser à sa créancière une contribution d’entretien de CHF 3’000 payable tous les mois en avance. Dans le contexte d’une procédure de poursuite, le Zivilgericht du canton de Bâle-Ville prononce la mainlevée définitive pour les contributions d’entretiens non payées. Ce tribunal fixe la date de départ des intérêts moratoires à la date d’échéance de ces créances, soit au début de chaque mois.

Sur appel du débiteur, l’Appelationsgericht du canton Bâle-Ville confirme la décision de première instance. Le débiteur recourt au Tribunal fédéral, lequel est amené à déterminer à partir de quand l’intérêt moratoire pour des contributions d’entretien échues commence à courir.

Droit

Le Tribunal fédéral commence par rappeler que le débiteur en demeure d’arrérages (« Renten  ») ne doit l’intérêt moratoire qu’à partir du jour de la poursuite ou de la demande en justice (art. 105 al. 1 CO). Le débiteur en demeure de telles créances se trouve donc dans une position avantageuse car il n’est pas tenu de payer des intérêts moratoires dès l’échéance des créances (art. 104 CO), mais seulement à compter de l’ouverture d’une poursuite ou d’une action judiciaire. Le Tribunal fédéral rappelle que ce régime se justifie car les arrérages sont des prétentions correspondant à des entretiens et non à un placement financier portant intérêt.

Le Tribunal fédéral se penche ensuite sur la question controversée de savoir si les contributions d’entretien liées à des obligations de droit de la famille constituent des « arrérages » au sens de l’art. 105 al. 1 CO.

Après avoir fait une présentation détaillée de la jurisprudence existante à ce jour et de la doctrine, il considère que c’est la finalité des sommes dues (en l’occurrence des contributions d’entretien) qui est déterminante. Dans la mesure où – à l’instar des rentes invalidité – elles servent à garantir les besoins courants du créancier et non pas à effectuer des investissements, elles doivent être qualifiées d’arrérages au sens de l’art. 105 al. 1 CO. Une telle interprétation tient compte de la nature des intérêts moratoires. En effet, ceux-ci servent à compenser le fait que le créancier ne peut tirer aucun bénéfice de la somme due. Cette forfaitisation du dommage subi par le créancier (du fait d’un paiement tardif) n’est pas justifiée pour les rentes et en particulier pour les contributions d’entretien du droit de la famille. Partant, si le créancier d’une contribution d’entretien souhaite réclamer des intérêts moratoires, il doit satisfaire aux exigences accrues de l’art. 105 CO. Il ne bénéficie donc pas d’un intérêt moratoire dès leur échéance en application de l’art. 104 CO.

Au vu de son analyse, le Tribunal fédéral considère que c’est à tort que les instances cantonales ont calculé les intérêts moratoires à compter de l’échéance de la créance et non pas au jour de la poursuite comme l’exige l’art. 105 al. 1 CO.

Le recours est donc admis sur ce point et le Tribunal fédéral calcule l’intérêt moratoire à compter du jour du début de la poursuite (envoi de la réquisition de poursuite).

Proposition de citation : Vinciane Farquet, Le calcul des intérêts moratoires pour les contributions d’entretien du droit de la famille, in : www.lawinside.ch/808/