La rente AI extraordinaire d’une Suissesse domiciliée en France

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ATF 141 V 530 | TF, 11.09.15, 9C_283/2015*

Faits

Une ressortissante suisse souffre d’un handicap congénital. Mineure, elle vit en France avec ses parents, mais fréquentes diverses institutions spécialisées en Suisse et bénéficie de prestations correspondantes de l’office AI. Elle atteint l’âge de la majorité en 2012 et intègre un foyer spécialisé en Suisse, mais continue de passer ses week-ends chez ses parents, en France. Pour ces raisons, l’office AI refuse de lui allouer une rente AI extraordinaire, décision confirmée par la juridiction cantonale.

Le Tribunal fédéral doit en particulier se prononcer sur le droit d’un ressortissant suisse résidant dans un Etat membre de l’Union européenne à obtenir une rente-invalidité extraordinaire sur la base de l’Accord sur la libre circulation des personnes (ALCP).

Droit

Les ressortissants suisses dont le domicile ou la résidence habituelle se situe en Suisse et qui n’ont pas droit à une rente-invalidité ordinaire parce qu’ils n’ont pas été soumis à l’obligation de verser des cotisations pendant une année au moins peuvent bénéficier d’une rente extraordinaire (art. 42 al. 1 LAVS cum art. 39 al. 1 LAI). En l’espèce, c’est à bon droit que l’instance précédente a retenu que la recourante n’avait ni domicile ni résidence habituelle en Suisse au sens de l’art. 13 LPGA. Son droit à obtenir une rente AI extraordinaire doit dès lors être examiné au regard de l’ALCP.

Le principe de l’exportation des prestations en espèces de la sécurité sociale (ou principe de la levée des clauses de résidence) veut que les prestations pécuniaires prévues par le droit d’un Etat membre ne puissent être réduites ou supprimées au motif que le bénéficiaire réside dans un autre Etat membre que dans la mesure où la législation européenne pertinente le prévoit (art. 7 du règlement (CE) 883/2004 applicable par renvoi de l’ALCP). Selon la jurisprudence de la CJUE, ce principe concerne non seulement les rentes existantes, mais implique également qu’une prestation nouvelle ne peut en principe être refusée en raison de la résidence à l’étranger de la personne concernée.

Une exception au principe de l’exportation est notamment prévue pour les prestations (1) spéciales (2) à caractère non contributif qui (3) présentent des caractéristiques propres tant à la sécurité sociale qu’à l’assistance sociale (caractère « mixte » de la prestation) et (4) sont mentionnées dans l’annexe du règlement européen (art. 70 du règlement (CE) 883/2004).

La rente invalidité extraordinaire suisse figure nouvellement dans l’annexe concernée. Selon les explications données par la Suisse relatives à cette modification de l’annexe, la rente AI extraordinaire constitue une prestation non contributive, dans la mesure où elle est financée par la Confédération et non par des contributions. Il s’agit de plus d’une prestation spéciale, puisqu’elle intervient en remplacement de la rente AI ordinaire. Enfin, la rente AI extraordinaire a un caractère mixte. Elle s’apparente en effet d’une part à la sécurité sociale, dans la mesure où elle n’est allouée qu’à des conditions précisément définies et couvre un risque particulier, l’invalidité. D’autre part, elle se rapproche de l’assistance sociale, en ce qu’elle vise à assurer, indépendamment de toute période de cotisation ou d’activité, un revenu minimum à un groupe socialement défavorisé, les jeunes handicapés.

Le Tribunal fédéral se rallie à la qualification de la rente AI extraordinaire ainsi opérée dans la prise de position suisse. Il relève au demeurant que la CJUE a admis qu’une prestation sociale analogue servie en application du droit néerlandais remplissait les conditions d’une exception au principe de la levée des clauses de résidence. Par conséquent, il convient d’admettre que la rente-invalidité extraordinaire n’est pas soumise au principe de l’exportation des prestations sociales en espèces. Une ressortissante suisse domiciliée en France n’a donc pas de droit à obtenir une rente AI extraordinaire sur la base de l’ALCP.

Les autres griefs soulevés par la recourante étant également mal fondés, le recours est rejeté.

Proposition de citation : Emilie Jacot-Guillarmod, La rente AI extraordinaire d’une Suissesse domiciliée en France, in : www.lawinside.ch/86/

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